Fabien Nury, qui a déjà époustouflé les amateurs de belles et bonnes bandes dessinées avec, par exemple, W.E.S.T., Silas Corey, Nécromancy… signe un récit presque contemporain dans un pays en crise après l’indépendance. Les nouveaux maîtres du pays sont aussi avides que les précédents et tous veulent cette province pour ses richesses minières. Il met en scène dans une ronde immorale, dans une fuite en avant désespérée, des soldats de fortune, des politiciens corrompus (mais n’est-ce pas un pléonasme ?), des individus que le hasard a placés dans ce maëlstrom de violence et qui tentent de rester en vie à défaut d’atteindre la richesse.
Si parfois on peut avoir l’impression que le scénariste force le trait, caricature, il n’est, hélas !, que dans un registre réel, tout à fait réaliste, des situations d’actualité brûlante que l’on peut observer dans différentes régions du monde.
Le ministre de l’Intérieur du Katanga propose du Pastis à Forthys et Armand Orsini, avec qui il est en réunion. Mais il se rappelle que ce dernier n’en boit plus et lui demande de raconter pourquoi. Celui-ci s’exécute, à contrecœur, un récit qui explique sa présence dans ces lieux. En raccompagnant l’industriel, le patron de l’UMHK, Orsini l’informe que le ministre est au courant pour les diamants et la transaction auxquels ils se livrent.
Cantor est à la tête du convoi en route pour Bakwenge afin de rencontrer le maître du Kasaï, le Mwata Motu. Le Président du Katanga veut négocier une alliance avec lui et envoie, pour cela, son ministre des affaires étrangères. En route, Cantor trouve une excuse pour que Charlie l’emmène à l’endroit où il a caché les diamants qu’il a volés. L’entrevue avec le Mwata se passe mal, très mal car celui-ci veut récupérer les diamants, estimant qu’ils appartiennent à son peuple car ce sont les Balubas qui les ont sortis de terre. Quand Charlie est désigné comme le voleur, la foule des guerriers se fait menaçante…
L’action est omniprésente, avec la violence à l’état brut, à l’état pur. Le scénariste joue avec le cynisme d’individus qui veulent s’en sortir et qui n’hésitent pas à sacrifier les autres pour rester dans la course. Fabien Nury joue, pour son titre, avec les divers sens de la diplomatie, retenant, pour l’heure, celle de la force et des armes et non celle entendue par des gens qui délivrent des discours feutrés dans des salons de négociation. Sylvain Vallée assure le dessin, un dessin fort, tonique, dynamique au point d’être brutal, mettant en valeur des “gueules” uniques, des physionomies et des scènes de combat où le sang gicle à tout va, les chairs éclatent, les armes tonnent…
Un récit comme on n’a pas eu l’occasion d’en découvrir dernièrement. Certainement une des meilleurs BD de la décennie, mais qui n’aura pas, sans doute, les honneurs d’un “grand prix” comme celui d’Angoulême car elle aborde un sujet sensible, délicat dont il ne faudrait pas trop faire état.
Diplomatie est le second volet d’un superbe récit, magnifiquement mis en scène par Sylvain Vallée, une histoire dans l’Histoire à ne pas rater !
serge perraud
Fabien Nury (scénario), Sylvain Vallée (dessin), Jean Bastide & Luc Perdriset (couleur), Katanga – t.2 : Diplomatie, Dargaud, novembre 2017, 64 p. – 16,95 €.