Une lecture indispensable
Éminent historien, mondialement connu depuis Le Livre noir du communisme(1997), Stéphane Courtois a réuni ici une série d’articles qui reflètent à la fois l’évolution de ses travaux et les difficultés que rencontrent encore les historiens soucieux de mettre à jour la réalité totalitaire des régimes communistes. Pour un lecteur qui ne connaîtrait rien de ses travaux précédents, ce recueil constitue la meilleure entrée en matière : limpide, riche en exemples factuels, soigneusement argumenté sans jamais paraître pédant, le texte offre une somme de découvertes et de mises au point de haut niveau, présentés de manière parfaitement accessible.
Courtois revient sur l’histoire du régime soviétique, mais aussi sur l’idéologie communiste, en expliquant que leur nature totalitaire était déjà avérée avant même que Lénine n’ait la possibilité concrète de réaliser ses projets, et que les crimes du communisme étaient programmés de manière rationnelle, découlant logiquement de la volonté d’exterminer des groupes humains entiers. Il précise, citations à l’appui, que cette volonté était déjà explicite chez Marx, et remonte fort utilement jusqu’à la Révolution française pour démontrer l’existence d’une logique génocidaire indissociable de l’extrémisme révolutionnaire (pp. 369–373).
L’auteur justifie très clairement l’emploi de la notion de “génocide de classe”, applicable aux crimes du communisme, par comparaison avec le génocide de race nazi, tout en fournissant des renseignements sur nombre de points communs des deux totalitarismes. On apprécie particulièrement les citations de documents peu connus comme la lettre, datant de mai 1940, où Himmler conseille à Hitler d’exiler les Juifs est-européens à Madagascar, au lieu d’employer “la méthode bolchevique d’extermination physique d’un peuple”, étant “intimement convaincu qu’elle est non-germanique et impossible.” (p. 395)
D’autre part, l’ouvrage offre une synthèse remarquable des méthodes et des stratégies qui ont permis au régime soviétique de s’assurer non seulement une expansion sur plusieurs continents, à travers des pays satellites, mais aussi une emprise sur l’ensemble des partis communistes occidentaux, et une vaste influence idéologique dont les effets secondaires se font toujours sentir.
C’est là, à notre sens, l’aspect le plus instructif du livre, dans la mesure où ces constats restent incomparablement moins familiers au grand public que l’idée des crimes du communisme. Combien de non-spécialistes savent, à l’heure actuelle, que Maurice Thorez avait reçu de Staline l’ordre de désactiver le général de Gaulle, opération réussie en 1946, et combien ont suivi les débats remontant à 2006, où le Conseil de l’Europe devait examiner une résolution et une recommandation au sujet des crimes des régimes communistes ?
Les passages du livre où il s’agit d’histoire très récente (notamment le chapitre intitulé “L’honneur perdu de la gauche européenne”) sont d’autant plus frappants qu’ils évoquent des faits en principe accessibles à chacun, mais concrètement ignorés du plus grand nombre.
On se saurait reprocher à l’ouvrage que certaines redites, dues au choix de ne pas tailler dans les articles, et encore, c’est là un défaut qui a son utilité pédagogique : mieux vaut répéter certains constats encore trop peu connus, plutôt que de les laisser passer inaperçus, quand on sait que “le délire communiste continuera encore longtemps de hanter nos sociétés et notre mémoire.”
À lire absolument, y compris pour voir clair dans ce qui se passe de nos jours en Europe.
a. de lastyns
Stéphane Courtois, Communisme et totalitarisme, Éd. Perrin, août 2009, 520 p. 10 € |
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