Yann & Félix Meynet, Sauvage — t.3 : “La Youle”

Que de rai­sons de culti­ver la vengeance !

Dans ce troi­sième tome du pre­mier cycle, Yann accé­lère la nar­ra­tion et livre quelques clés sur son intrigue, éclaire les fon­de­ments de son récit. Il reprend des zones d’ombre de la Grande His­toire et arti­cule une série d’actions et de déve­lop­pe­ments. Il intro­duit ainsi l’Aiglon contre Napo­léon le Petit, comme aimait à le qua­li­fier Vic­tor Hugo, cet obs­cur cou­sin du grand Napo­léon Ier.
Il met en scène, puisque l’action se déroule au Mexique dans le cadre d’événements authen­tiques, les cou­tumes mexi­caines quant au culte des morts, la fête de la Tous­saint, ima­gi­nant des pro­lon­ge­ments et des avenants.

L’évé­ne­ment du jour est le mariage du maré­chal Bazaine avec une jeune mexi­caine en pré­sence de l’empereur Maxi­mi­lien, à la cathé­drale de la capi­tale. Sou­dain, la jeune Esme­ralda se pré­ci­pite vers Sau­vage. Elle a entendu des femmes dire qu’elles vont tuer l’empereur. Effec­ti­ve­ment, après une diver­sion pour déjouer l’attention, une jeune femme se pré­ci­pite, un poi­gnard à la main, sur Maxi­mi­lien. Celle qui se fait appe­ler la Youle, inter­vient et fait arrê­ter la for­ce­née. Esme­ralda recon­naît en elle la demi-sœur de Jua­rez le chef des rebelles mexi­cains. Youle fait remar­quer que cette prise tombe à pic pour un échange de pri­son­niers, pour récu­pé­rer le prince Hubert de Salm-Salm, alors que Félix pense à Clé­men­tine, sa sœur, tom­bée aux mains des insur­gés.
Youle, qui est l’émissaire du duc de Mor­nay, pousse de manière convain­cante le mar­quis de Tra­ze­nies à orga­ni­ser l’échange rapi­de­ment. Elle est char­gée de rame­ner au plus vite Maxi­mi­lien en France. Mais, pour cela, il faut récu­pé­rer cette mau­dite bague… Et Félix Sau­vage, devenu capi­taine pour son action d’éclat lors de la ten­ta­tive d’attentat ne pense qu’à assou­vir sa vengeance…

Avec ce nou­veau tome, il ancre son récit dans un com­plot qu’il met en scène magni­fi­que­ment, porté par une gale­rie de per­son­nages forts aux carac­tères puis­sants, cer­tains révé­lant des per­son­na­li­tés mul­tiples. Paral­lè­le­ment, il dévoile nombre des cir­cons­tances qui ont amené la fra­trie Sau­vage à la situa­tion où sont ses membres. Félix Mey­net ne s’économise pas, n’hésitant pas à réa­li­ser des vignettes avec des groupes impor­tants de per­son­nages, voire des foules. Il a le souci du détail, soigne les arrière-fonds comme les pre­miers plans. Il rend avec talent les sen­ti­ments qui agitent les per­son­nages. Avec des cou­leurs écla­tantes, il res­ti­tue par­fai­te­ment les uni­formes voyants, cha­toyants qui avaient cours à une époque et qui ont causé tant de morts au début de la Grande Guerre par l’incurie des États-majors.
Cet état de fait n’a pas échappé à Yann qui défi­nit ainsi celui qui est déployé pen­dant l’expédition du Mexique: “…une basse-cour de coqs galon­nés ! Cette mas­ca­rade d’arrogants pan­tins et de gui­gnols pédants !” Mais cette remarque et cette jolie des­crip­tion s’applique encore telle quelle aujourd’hui dans les lieux de pou­voir, Ély­sée, Mati­gnon, Ministères…

Avec La Youle, Yann enchante la série par la richesse de son scé­na­rio, sa capa­cité à se fondre dans un cadre authen­tique. Mais cette intrigue per­drait beau­coup de son éclat sans le magni­fique gra­phisme d’un Félix Mey­net au som­met de son art.

serge per­raud

Yann (scé­na­rio) & Félix Mey­net (des­sin et cou­leurs), Sau­vage — t.3 : “La Youle”, Cas­ter­man, novembre 2017, 48 p.- 13,95 €.

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