Du châtelet à la Cour des Miracles…
Le souffleur de cendres est le troisième volet d’Alchemia, cette saga que la romancière construit autour de Jean du Moncel et de Sybille Le Noir dans le Paris des années 1580. Le premier est commissaire-enquêteur au Châtelet, la seconde exerce la médecine déguisée en homme. Après La femme sans tête où le héros est confronté à un tueur de prostituées, L’homme au masque de verre met du Moncel sur la piste d’un vol de cadavres au gibet de Montfaucon. Le présent roman place le danger au cœur du Châtelet. Si l’action du premier volet se déploie en 1581, la seconde en 1584, celle-ci se déroule en 1587. Ce décalage temporel offre à l’auteure la possibilité de faire évoluer la vie personnelle des principaux protagonistes de façon significative et autorise des bouleversements ou des émotions nouvelles.
Etienne Lambert regrette d’avoir dire oui, il y a quelques mois, à celui qui se fait appeler le Maître, à la tête de la Ligue des Marchands. C’est à l’issue d’une réunion qu’il se fait assassiner quand le Maître élimine les plus faibles parce qu’un commissaire-enquêteur du Châtelet est sur leurs traces. Mais c’est sans compter sur le chien fidèle de Lambert.
Jean du Moncel revient juste à temps d’Angleterre pour assister à la réunion du Bureau des affaires extraordinaires présidé par Loys de Villeneuve. Celui-ci désigne Jean comme son successeur et décède dans la nuit suivante.
Perrin Touraine, commissaire-enquêteur responsable du quartier des Halles est alerté sur des circonstances suspectes. Assisté de Jean, son ami qui passait par là, il découvre un cadavre grâce au chien du défunt. Troublé, inquiet, sous l’amicale pression de son collègue, Perrin finit par donner rendez-vous à Jean le lendemain pour lui faire part de l’enquête qu’il mène, qui le met en danger de mort, ayant à se méfier de tous. Or, le lendemain, Perrin n’est pas au rendez-vous.
Pendant ce temps, la situation amoureuse avec Sybille devient délicate et ses proches sont menacés. La jeune femme se retrouve dans l’obligation de se dissimuler car même son déguisement ne la cache plus… au contraire !
Cette série s’articule autour de grands thèmes que sont l’alchimie, la sorcellerie, les rites occultes et la médecine. Viviane Moore resitue bien les uns par rapport aux autres bien que la frontière les séparant soit si mince que des chevauchements existent. Outre la description précise de ces différentes activités, l’auteure s’attache à expliciter la vie quotidienne à cette époque. Cette peinture est parfaitement rendue pour les habitudes alimentaires, l’habillement, la vie de diverses couches de la société, les métiers… Elle entre dans les détails, précise, par exemple, la comptabilité en partie double, les diverses cours des miracles (car il y en avait plusieurs), les poèmes de Louise Labé…
L’intrigue est très présente et l’attention est sans cesse en éveil pour suivre les parcours de Jean et de Sybille, les différentes intrigues qui se nouent entre leur vie personnelle et leur vie professionnelle. Si le titre est interrogateur sur le sens qu’il faut lui donner, il trouve une explication dans le cours du récit. Cependant, il reste une petite interrogation qui laisse penser que les aventures de ce couple ne sont pas finies, que le maître du Bureau des affaires extraordinaires va continuer à enquêter dans le cercle des puissants.
Le souffleur de cendres se lit avec un intérêt croissant au fil des pages tant la romancière sait entretenir le suspense, accroître la tension de l’intrigue tout en instillant nombre d’informations passionnantes sur cette époque.
serge perraud
Viviane Moore, Le souffleur de cendres, Editions 10/18, coll. “Grands Détectives” n° 5250, novembre 2017, 384 p. – 8,10 €.