Robert Giraud (1921 –1997) à Nanterre fut poète, journaliste, écrivain, lexicologue. Il vécut son enfance et sa jeunesse à Limoges. Arrêté par les nazis, enfermé à la prison du Petit Séminaire de Limoges, il échappe à la condamnation à mort grâce à la Libération de la ville. En 1944, il devient rédacteur en chef du journal Unir, issu de la Résistance, et gagne Paris avec l’équipe rédactionnelle (notamment le futur éditeur René Rougerie).
Désormais appelé Bob Giraud, il loge quelques temps avec son épouse, Janine Lamarche, dans une chambre d’un hôtel de la rue de Lille. Mais l’idylle ne dure pas. Il rejoint une mansarde rue Visconti et entame une longue période de dèche, mais aussi d’”apprentissage”. Il va devenir un « gars de la nuit, loup-garou de l’homme rangé, le croquemitaine qui boit du vin rouge au lieu de ronfler » comme il l’écrit dans Le vin des rues.
Le futur auteur fréquente donc assidûment les bistrots, le monde de la nuit : « depuis la fermeture des bordels, — écrit-il encore dans Le Vin des rues — le bistrot est ouvert la nuit ». Il dort le jour pour enregistrer la nuit dans sa tête bien plus que des brèves de comptoir. En même temps, comme dit Macron qui n’aurait pas aimé un tel “parasite”, il vit ou survit de petits métiers ou ce qui en tient lieu : mégotier, brocanteur, voleur de chats, maçon, fort des Halles, bouquiniste. Il rencontre Paulette et s’installera à Montmartre. Et ce, en fidélité à un vieux pacte signé en prison : “si j’en réchappe, je ne vivrai plus jamais comme tout le monde. J’en ai trop vu ici-bas pour faire comme avant, pour faire semblant”.
En ses périples bistrotiers il rencontre les frères Prévert, Albert Vidalie, Maurice Baquet et surtout le photographe Robert Doisneau. Mais aussi Izis, Fréhel, Monique Morelli, Antoine Blondin, André Hardellet, René Fallet. Mais il fraye aussi avec les clochards qui peuplent le Paris populaire de l’après-guerre et il pilotera Doisneau dans ce Paris interlope.
Il s’intéresse de près à tout ce qui est insolite comme les tatouages ou l’argot. Pigiste à Détective et France Tireur, il réalise dans ce journal, avec son ami Doisneau, une magnifique série de portraits sur des personnages insolites parisiens. Son chef-d’œuvre reste Le vin des rues. Il s’agit de ses “rêveries d’un promeneur” plus solitaire qu’il n’y paraît. “Le dentelier de la bibine” offrit à la littérature goualante et argotique parigote un de ses sommets.
jean-paul gavard-perret
Robert Giraud, Le vin des rues, Le Dilettante, Paris, 2017.