Professor Bernhardi (Arthur Schnitzler/ Thomas Ostermeier)

De  la néces­saire incer­ti­tude du soin

Une son­ne­rie. En guise de scène, un rec­tangle blanc s’avance vers le public, presque jusqu’à le tou­cher. Dans ce décor sobre, les espaces se fabriquent en direct, au fur et à mesure des besoins de l’intrigue, par la pro­jec­tion d’images vidéo en pour­suite, à par­tir d’une acti­vité inter­dite et déli­cieuse explo­rée dans l’enfance – on écrit sur le mur – et dans le minu­tieux bal­let des acces­soires. Sur ce pla­teau tout à la fois réduit et modu­lable où les comé­diens évo­luent très proches des spec­ta­teurs, on entre dans les cou­lisses de la méde­cine, avec une dis­cus­sion crue ponc­tuée d’allusions. Les enjeux de pou­voir évo­qués de façon ellip­tique dans les échanges n’en sont pas moins pré­sents.
Sur fond d’antisémitisme et de soup­çon de cor­rup­tion, des pres­sions s’exercent sur le direc­teur d’un éta­blis­se­ment médi­cal à l’origine d’une déci­sion huma­niste dont les res­sorts lui échappent pour par­tie. Une ini­tia­tive qui s’avère frois­ser l’Église. Ici, le choix spon­tané d’une per­son­na­lité indé­pen­dante place l’institution devant un dilemme moral, social, quasi poli­tique qui ne fera que s’amplifier. On oppose à l’éthique de convic­tion (le res­pect des prin­cipes) l’éthique de res­pon­sa­bi­lité (qui impose la prise en compte des consé­quences col­lec­tives de ses actes).

Il s’agit bien de mon­trer com­ment le tissu social enserre les indi­vi­dua­li­tés, com­ment la trame se tisse autour d’un fait pour le réduire au sens qu’elle lui donne. Un argu­ment fort, mono­li­thique, comme une obses­sion qui se déploie, s’enfle, por­tant quand bien même le risque de las­ser. Comme sur une blouse de méde­cin, les mots ins­crits en craies de cou­leur se trans­forment en taches quand on essaie ensuite vai­ne­ment de les effa­cer, dans d’illusoires ten­ta­tives de retours en arrière.
Les res­sources de la vidéo per­mettent de don­ner à la scène une pro­fon­deur momen­ta­née, de mettre le pro­pos en pers­pec­tive, par exemple dans ces ins­tants où l’image des der­niers soins à la patiente enva­hissent la scène deve­nue écran. La mise en scène veille à lais­ser res­pi­rer le texte dans sa satu­ra­tion. Nous sommes pla­cés dans l’attente, dans la len­teur consti­tu­tive de l’intrigue. Dans une approche cli­nique de la pièce, Oster­meier cherche à sai­sir la néces­saire incer­ti­tude du soin.

chris­tophe gio­lito & manon pou­liot

Pro­fes­sor Bern­hardi, d’Arthur Schnitzler

Spec­tacle en alle­mand sur­ti­tré en français

Mise en scène : Tho­mas Ostermeier

Adap­ta­tion : Tho­mas Oster­meier et Flo­rian Borchmeyer

Dra­ma­tur­gie : Flo­rian Borchmeyer

Scé­no­gra­phie : Jan Pappelbaum

 

Avec :
Jörg Hart­mann, Sebas­tian Schwarz, Tho­mas Bading, Robert Beyer, Kon­rad Sin­ger, Johannes Fla­sch­ber­ger, Lukas Tur­tur, David Ruland, Eva Meck­bach, Damir Avdic, Vero­nika Bach­fi­scher, Moritz Gott­wald, Hans-Jochen Wag­ner, Chris­toph Gawenda, Lau­renz Laufenberg

Cos­tumes : Nina Wetzel

Pro­duc­tion : Schaubühne am Leh­ni­ner Platz, Berlin

Photo : © Arno Declair

Du 23 novembre au 3 décembre au Théâtre Les Gémeaux à Sceaux

49 ave­nue Georges Clé­men­ceau 92330 Sceaux 01 46 60 05 64

http://lesgemeaux.com/

Aupa­ra­vant créé en 2016 à Ber­lin, au TNB (Théâtre Natio­nal de Bre­tagne) du 5 au 7 jan­vier 2017, A la Schaubühne de Ber­lin, le 4, 5, 6 et 24 février, (avec des sous-titres fran­çais), les 25 février à 19 h 30 et 26 février 2017 à 16 h (avec des sous-titres anglais) https://www.schaubuehne.de ; à Lyon, Les Céles­tins, du 2 au 6 mai 2018.

La tra­duc­tion fran­çaise de la pièce de Schnitz­ler est publiée en 1994 chez Actes Sud.

 

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