Pierre Yves Freund : faire, défaire, recommencer
Ce nouveau travail de P.-Y. Freund est une affaire de fond et de surface. D’échelles aussi en leur variation afin d’accentuer le doute par effet de miroir d’un “lac” apparemment gelé, de paroi d’une caverne ou en absence de fond. Il existe ici une succession de doutes par d’étranges vanités, de restes, d’oublis, de repentirs, de carcasses ou de suspens là où semble-t-il s‘inscrit un retour au source vers des visions rupestres mais aussi de légende. Des silex non polis semblent voguer sur le lac de Mélusine là où les effets de moules, moulages, décoffrages offrent l’image sous formes de substances flottantes et paradoxales. Mais étrangement poétiques. A la fois par les matières parfois énigmatiques, tant leurs mises en scène que leur prises d’où jaillissent le mystère de la trace, l’empreinte générique, voire un noyau gelé au sein d’une mise en abyme et de perte de repères.
Dans ce dialogue du geste et de l’artiste commenté par le témoin privilégié (François Bazzoli), P.-Y. Freund ouvre une entrée secrète dans l’inconscient. Il en épouse le silence apparent mais le rompt à travers ses œuvres. Elles deviennent des connaissances des profondeurs, des savoirs sans connaissance puisque l’artiste, s’il ouvre, ne fournit pas de clés. Il se contente d’illuminer l’obscur. Il confie au noir et blanc (avec un seul point d’une autre couleur) la capacité de sortir de l’ombre si bien que devant de telles œuvres les pensées font route sans rayon limité autour d’elles.
Il faut se laisser envahir par celui qui — adepte des glissements — propose dans chaque prise non un arrêt ou un verdict mais un voyage au sein d’icebergs, de fœtus, de paysage, d’armes préhistoriques, de masques, de paysages aux formats non mesurables. Les œuvres deviennent des unions libres : le secret reste en l’état. Son “quant à soi” en demeure la condition nécessaire. Il vient mettre à mal les vérités d’usage sur ce qu’on nomme révélation.
P.-Y. Freund n’impose rien : cela ne veut pas dire que son travail avance masqué. Il représente en ses arcanes le langage obligé de l’art. Celui qui ne révèle pas à travers ce qu’il raconte et narre mais par ce qu’il produit.
jean-paul gavard-perret
Pierre-Yves Freund, Poussière blanche sur noir, texte de François Bazzoli, Photographies Olivier Perrenoud & Pierre-Yves Freund, Editions Vol d’Image, 2017.