Maryse Serra sait ce que la peinture engage : “celle qui me hantait demandait des moyens pour un engagement absolu , c’était tout ou rien , d’ailleurs la peinture ce n’est que cela”. Son ambition était grande :” mon obsession était les arrière-pays dans un esprit “quattrocento’ , un peu flou ou brumeux , la présence ici où là d’une petite maison vaillante et fière montrant le bout de sa cheminée , des collines et un ciel lumineux ou orageux Cela demande un travail infini , appliqué, avec un choix de pigments adaptés à la volupté de la matière. Cela aurait demandé un engagement absolu et constant”. D’où, chez elle, désormais un certain renoncement auquel on ne veut croire. Maryse Serra garde une grâce, une allure d’ange et une lucidité incroyable sur le monde, l’art, les rencontres — même si elle a choisi désormais un splendide isolement du côté de Marseille. Ses oeuvres sont parcimonieuses mais toutes valent le détour.
Entretien :
Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
Je me lève naturellement, tout comme le ferait un animal.
Que sont devenus vos rêves d’enfant ?
Mes rêves d’enfant étaient des rêves de justice.
A quoi avez-vous renoncé ?
J’ai renoncé à me vendre.
Qu’avez-vous reçu en « héritage » ?
L’idée de renoncement et de courage en héritage.
Qu’avez vous dû abandonner pour votre travail ?
J’ai fait en sorte que mon travail soit assez intéressant pour n’avoir à rien abandonner.
Qu’est-ce qui vous distingue des autres artistes?
Je ne me considère pas artiste et j’ai horreur de cette étiquette.
Comment définiriez vous votre approche de la photographie ?
C’est la photo qui me prend , je ne fais qu’appuyer
Quelle fut l’image première qui esthétiquement vous interpella ?
Les oliviers éblouissants en Corse alors que je marchais à peine.
Et votre première lecture ?
“Blanche-Neige” fut ma première lecture.
Quelles musiques écoutez-vous ?
J’aime toute la musique, si elle est bonne.
Quel est le livre que vous aimez relire ?
Je relis rarement, si ce n’est la poésie, Rimbaud.
Quel film vous fait pleurer ?
J’aime tout Polanski. « Rocco et ses frères » de Visconti m’a fait pleurer.
Quand vous vous regardez dans un miroir qui voyez-vous ?
Je ne me vois jamais dans les miroirs.
A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
Je n’ai jamais osé écrire au père Noël.
Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
Rome est mythique.
Quels sont les écrivains et artistes dont vous vous sentez le plus proche ?
Ils sont trop nombreux les artistes et écrivains que j’aime. Camus pour en citer un.
Qu’aimeriez-vous recevoir pour votre anniversaire ?
Je ne fête jamais mon anniversaire.
Que défendez-vous ?
Je défends la liberté d’être.
Que vous inspire la phrase de Lacan : “L’Amour c’est donner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas”? et Que pensez-vous de celle de W. Allen : “La réponse est oui mais quelle était la question ?“
Lacan a souvent raison et W. Allen aussi.
Quelle question ai-je oublié de vous poser ?
Qu’est-ce qui vous manque le plus ?
Présentation et entretien réalisés par jean-paul gavard-perret pour lelitteraire.com, le 3 décembre 2017.
L’esprit ” quattro-cento ” est présent dans la vaillante petite maison de Maryse Serra dont JPGP sait débusquer le fier talent .
Réponse à la dernière question de l’entretien : l’olivier de Corse a un secret fécond …