Cornelia Eichhorn, Altitude Attitude

Toi le Venin

Dans la richesse plas­tique d’une esthé­tique baroque, à tra­vers ses per­son­nages, Cor­ne­lia Eich­horn comme l’écrit Paul Poule en par­lant de la « folle » d’une de ses oeuvres « s’occupe des visages / des visages déchi­rés / des visages qui gri­macent / elle coud mais avec de grandes pierres / elle fixe des sou­rires /sur la pomme des idiots / sur la tronche des méchants », et sur bien d’autres choses encore : le monde et sa vio­lence, l’être et ses désirs — entre cata­clysme et rédemp­tion — donnent du monde une vision dif­frac­tée et sur­réelle.
La plas­ti­cienne ouvre des fenêtres, happe la lune, la laisse fondre sous la langue avant de man­ger la nuit. Tout bon­dit en divers remous. Mais Cor­ne­lia n’oublie pas de recra­cher les étoiles sans trop d’espoir quant à la venue et la relève des nou­veaux dieux ban­deurs qui mar­que­raient les lèvres du monde d’‘une sève profane.

Existent des feux roses, des averses, des tra­ver­sées de l’entre-deux monde, la force des sillons, la cha­leur des ventres, la rou­geur orga­nique des flux et de la peur. Cor­ne­lia demeure à sa manière l’enfant roman­tique qui chan­tait des airs dont le par­fum la fai­sait pleu­rer lorsqu’étaient mur­mu­rés les mots “Je t’aime”. Mais elle est tout autant capable d’accueillir des ten­sions qu’elle crée avec inso­lence. Quand les formes semblent s’effondrer, il en existe encore entre ordre et chaos.
La sirène fait plon­ger dans des cou­rants pro­fonds, elle y rôde pour allon­ger le monde entre tor­tures et étreintes. C’est une des manières de cou­rir après la sagesse, du moins en magi­cienne qui ne cède rien aux appé­tits des vio­lents. Pour leur tordre le cou demeurent ses débor­de­ments et ses vertiges.

Il faut que ça tangue afin que chaque œuvre soit le plus beau des poèmes par pro­fon­deurs et tis­sus, pans et inter­stices dans le clos et l’ouvert et en des jeux des plu­riels, des échanges, là où la fable qui évide sa propre affa­bu­la­tion pour col­ler aux rap­ports humains, leurs anti­no­mies leurs frus­tra­tions et ce qui se cachent sous l’hypocrisie des bonnes inten­tions.
Bref, Cor­ne­lia ne cache rien du chaos mais tente d’en fixer les bornes tout en sou­li­gnant les mou­ve­ments aussi veni­meux que sourds-dingues.

jean-paul gavard-perret

Cor­ne­lia Eich­horn,  Alti­tude Atti­tude, Gale­rie L’Abat-Jour, Lyon du 16 novembre au 31 décembre 2017.

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