La route qui mène chacun à la même place
Mathieu Nuss par une écriture de l’art de l’écharpe et de la caresse lève bien des obstructions en ramenant à l’expérience première. La nuit y habite la lumière mais seule cette dernière fabrique les images. Insidieusement, l’auteur se rapproche des “dissolving views” de la préhistoire du cinéma, mais où la dissolution n’est pas portée non à un point de non retour car l’objectif devient moins un percevoir qu’un « perce-voir ».
C’est une manière de remonter le temps « avant le corps sans le pas » mais aussi de se rapprocher des derniers. A savoir de ceux qui accompagnent tout disparaissant dans l’aller sans retour de la dernière allée au moment où le « cerveau reptilien » a cessé de ramper et croupit dans son propre « effet de serre ».
Loin d’un « pointillisme mesquin », l’auteur ne prétend pas changer le logos ou son comment dire (ce dernier cache toujours un comment ne pas dire dans son « gris de langue »). Mathieu Nuss cherche moins à baliser le territoire existentiel qu’à le délivrer de ses tensions pour que la vie redevienne « matière » entre compression et détente. Le corps n’est donc en rien infinif. Il devient un mythe — mais des plus partiels et conditionnés par le temps qui passe.
Le poète l’ausculte avec autant de rigueur que de tâtonnement, de précision que d’esquisse et une bonne dose d’humour afin d’apaiser les « signatures de stress » sur « l’asphalte irrémédiable » de la route qui mène chacun à la même place.
jean-paul gavard-perret
Mathieu Nuss, Arrosé l’arroseur, Editions Rehauts, 2017, 96 p. — 16,00 €.