L’ image qu’offrent les photographies de Chrystèle Lerisse demeure une énigme. Elle se collette à un questionnement fondamental : que faire de notre relation à l’image ? A travers le jeu des variables sensorielles que les signes instaurent, l’artiste déplace le piège des références. Il faut se laisser aller à une contemplation qui tient de la perte du contrôle. De chaque œuvre émerge un écart, un écartement loin des syllabus admis. Déploiements, repliements, des paysages étranges surprennent par l’émotion qu’ils suscitent.
Un espace s’y développe. Un espace s’y clôt aussi. Ou plutôt s’y densifie et flotte. Chargé et rempli mais pourtant aérien. Paraissant impalpable, il fait masse. Ce que retient Chrystèle Lerisse est de l’ordre d’un insaisissable. Mais permet de souligner combien les apparences du réel sont trompeuses. Le transfert entre noir et blanc sert à les « suspendre ». Tout cela vient de loin. D’une longue expérience. L’art redevient une descente vers l’inaudible.
Ni ciel, ni terre. Juste des réseaux de vibrations à travers diverses strates de mémoire là où l’image devient épure dans le croisement du temps avec la volatilité de formes encore en mouvement. Se forment des apparitions : crêtes ou gouffres, lunes étranges en des graphiques épurés. L’approche oblige à un lâcher-prise essentiel par la découverte perceptive d’un élan.
Un tel dialogue engendre nécessairement chez le regardeur en un état de trouble : l’espace est transformé en profondeur.
jean-paul gavard-perret
Chrystèle Lerisse, Dialogues, Textes d’Emilie Flory et de Catherine Texier, Artboretum Editeur et Artzo, 2017.