Gabrielle Jarzynski, Les Hirondelles

 Celles qui font le prin­temps (mais pas seulement) 

 Gabrielle Jar­zynski aime que nous la sui­vions à la trace, dans la trans­pa­rence ou l’opacité qu’elle invente au creux de l’hiver . Mais ce ne sont pas les seuls. Ceux de ses reins entre autres sont convo­qués aux céré­mo­nies secrètes : « Les hommes aiment la cire sur la cour­bure de mes reins, entre mes deux seins. » dit-elle. Il est vrai qu’il y a là de belles éten­dues conti­nen­tales.
On l’a déjà com­pris : ni Eros ni les hiron­delles ne  battent de l’aile — sinon pour s’envoler aux cieux comme on grimpe au rideau. Et l’auteure aime à filer ses aven­tures plus en Madame Edwarda qu’en Péné­lope grecque. Entre la dou­leur de la nuit et la splen­deur du jour le choix est vite fait. La femme avance encore aux rayons d’un mince soleil d’hiver sur fond de divers indices d’un décor improbable.

Exit le froid d’ombre qui est le pain du mort au coeur de la braise.  Ici, tout est fait pour res­sen­tir l’intensité d’une marche for­cée du stupre  et de la for­ni­ca­tion contre — qui sait ? — l’impossible aban­don, l’impossible retour.  Il n’y per­sonne d’autre que la femme au bout du voyage pour pro­po­ser une telle reprise — et qui n’a rien d’un rapié­çage….
Il est vrai que les his­toires dépotent : « Une meute de loups s’apprête à nous bai­ser dans la chambre rouge. Les bêtes sont mus­clées, hale­tantes, ban­dantes dans leurs pan­ta­lons ». Il ne faut rien pro­mettre et assu­rer. Mais les hiron­delles n’ont pas du plomb dans l’aile ni dans l’aine. Quant aux amours les­biens, il en va de même. :« la cyprine coule sur mes doigts » dit l’une tan­dis que l’autre cède. Aurait-elle mieux ou plus inté­res­sant à faire ? 

Mais ce ne sont là que quelques ébauches de récits à la langue riche, léchante, insis­tante comme cer­taines caresses lorsque les pré­li­mi­naires sont bien avan­cés. Sou­dain, les pay­sages fondent. Des sons, des bruits mais pas au point d’en faire une voix. Mur­mure que mur­mure. Il faut se conten­ter du peu qu’on voit. Et nul, s’il est intel­li­gent ou amou­reux, n’en deman­dera plus.

Voici la femme, l’égarée. Lyeuse, perle, sen­ti­nelle, sil­houette et bien sûr hiron­delle. Entendez-vous ses pas, son cri ou le bruit de ses « Elles» ?  Les mots ne font plus masse. L’image les rem­place. Il s’agit d’empreintes au fond de la dérive, là où la pen­sée manque de prise.  Ne reste que le bat­te­ment sourd des corps comme celui d’une porte déro­bée.
Voici le bout du monde dans l’obscure clarté où sou­dain quelque chose a glissé. C’est par la poé­sie atteindre une seule image naïve et sourde. Elle n’ajoute rien, n’élargit rien,  ne fait que ren­voyer à  l’affolement  dont elle sort. Elle est le cri absurde du plai­sir. A cette aune, Gabrielle Jar­zinki est maî­tresse de l’absurde et les lec­teurs ses élèves.

jean-paul gavard-perret 

Gabrielle Jar­zynski, Les Hiron­delles,  avec 15 lino­gra­vures de Jean-Guillaume Kuhn , Edi­tions Phi­lippe Mien­née, 2017.

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