Eugène Guillevic, Ouvrir, Poèmes et proses 1929–1996

Ouver­ture en fondu dans la lumière du soir

Ouvrir  ferme la tri­lo­gie post­hume du poète, après  et Accor­der le livre recense et pré­sente une cen­taine de textes en prose et en vers. Ils ont été édi­tés préa­la­ble­ment en tirages limi­tés. Cer­tains textes sont inté­res­sants, d’autres plus anec­do­tiques. Entre autres lorsque le poète se fait paro­lier de chan­son. L’ensemble est com­plété par un dos­sier impor­tant qui pré­cise les liens que Guille­vic entre­tint avec les peintres qu’il accom­pa­gna sou­vent dans des livres d’artiste.
Se retrouvent la faconde par­ti­cu­lière du poète ou plu­tôt son mini­ma­lisme, son éco­no­mie de mots capable néan­moins de deve­nirs des miroirs du monde dont les “sujets” sont liés autant au dehors qu’à un dedans inconnu et qui illustre la faculté de ne pas plus atta­cher d’importance à ce qui est qu’à ce qui n’est pas.

Dans le meilleur de ces textes der­niers péné­tra­tion et épui­se­ment, faille et pré­sence s’approchent des trous du silence que l’écriture ne cherche pas à com­bler tota­le­ment. Reste l’écorce écor­chée au bord du lan­gage dans la recherche de la pure émer­gence et la sen­sa­tion de ver­tige. Preuve qu’il existe un écart des mots comme il y a un écart des col­lines.
Existent aussi le chant, le mor­ceau de musique, l’espoir d’une main du peintre, tirant à lui le rudi­ment d’un pay­sage. Bref, s’alignent ici les traces d’un souffle — ou l’extrême du sou­pir au sein d’une écri­ture appa­rem­ment lim­pide mais à laquelle la ver­si­fi­ca­tion sac­ca­dée donne une dimen­sion particulière.

Tout  joue chez le poète dans la ten­sion entre une langue simple et la ver­si­fi­ca­tion créa­trice de failles, d’interstices à tra­vers les­quels un autre sens et l’air passent. Et si le gris est la cou­leur de base de l’univers poé­tique de l’auteur, ce gris est teinté. Il est sou­li­gné de quelques élé­ments de cou­leurs qui fondent ce qu’il appelle “ la dynas­tie de l’équilibre ” au cœur même des “ natures épou­sées ” dans les­quelles le poète trouve des pul­sions vitales jusqu’au bout.

jean-paul gavard-perret

Eugène Guille­vic,  Ouvrir, Poèmes et proses 1929–1996, Gal­li­mard, collec­tion Blanche, Paris, 2017

1 Comment

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One Response to Eugène Guillevic, Ouvrir, Poèmes et proses 1929–1996

  1. Daniel Ziv

    Il y a une chose amu­sante… Un des poèmes de Guille­vic, tiré de 32 son­nets, fut tra­duit en amé­ri­cain et devint une folk­song très sympa, que chan­tait Pete See­ger… Le début des paroles :
    Two mil­lion bushels of North Afri­can grain
    Resold to Ger­many for Swiss francs,
    Paid for by a consor­tium of banks
    With a deal in futures that the Stock Exchange
    Unloads for cof­fee from Bra­zi­lian uplands
    Des­ti­ned for Paris, Before the whole deal sinks,
    The checks writ­ten in inde­lible inks
    Outrace Atlantic’s win­ter hur­ri­canes.
    At last the cof­fee arrives, also the wheat,
    Need­less to say, the deal was a suc­cess.
    Who can deny that all of us have gai­ned?
    Our bene­fac­tors? Three trusts. They com­pete
    For honor, glory, power and of course,
    Pro­fits, where all hap­pi­ness is contained.

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