Il est des livres où le héros (ou l’héroïne) n’existe pas ou trop mal. Femme de lui le prouve. Le roman ressemble plus à un soliloque à ou de l’absent(e) à moins qu’il s’agisse d’une stratégie au nom de la peur de l’autre. Plus simplement encore, ne s’agirait-il pas d’éviter que le piège (de l’amour ?) ne prenne les ombres dans sa mâchoire.
L’ensemble vaque entre le grave ou le badin, le jeu léger ou mortel entre la ville et la campagne, le paradis ou l’enfer. Un seul objectif reste certain : que le discours puisse se poursuivre. Qu’importe ce qu’on donne ou pas. Entre sécheresse feinte ou fausse emphase. Entre le désir et sa peur afin de remplacer tout rapport en pur jeu de l’esprit. D’où ce sentiment de fuite et d’aimantation, de proximité et lointain.
Blanchot et Beckett ne sont pas loin mais sur un autre registre. Chacun use du coup du charme et de son contraire non sans orgueil et mesquinerie en tournant autour d’un centre ou d’un ventre vide qu’on nommera amour. Marivaux est largement revu et corrigé au sein d’une société qui préfère l’avoir à l’être.
Les personnages le comprennent sans pouvoir s’en défaire. Ils se veulent libres et disponibles mais tout dans leurs attitudes et affirmations prouve le contraire en un jeu d’ombres et de lumière. Chacun espère que l’autre sera à sa mesure. Mais en amour (ou ce qui en tient lieu) le sur-mesure n’existe pas. Sauf à cultiver un romantisme que veulent ignorer des esprits forts mais myopes ou un manque vital d’accommodation au sein de ce bal des vampires. Tout reste donc dans un no (wo)man’s land plutôt étrange et fascinant puisque, d’une certaine manière, tout ou rien n’est dit.
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jean-paul gavard-perret
Bernard Sarrut, Femme de lui, Z4 éditions, 2017, 100 p.
Critique qui donne fort envie de dire : bravo Bernard et fort envie de …lire !