Une vision terrorisante de l’enfer
Une expérience scientifique dans un laboratoire londonien a ouvert des passages entre la terre et l’enfer. Pour faire revenir ceux qui se sont retrouvés coincés en enfer, le collisionneur a été réactivé. Mais le problème ne fait qu’empirer. John Camp, le responsable de la sécurité du laboratoire et Emily Loughty, la scientifique chef du projet, sont revenus en compagnie… d’Henri VIII. Mais des passages se sont ouverts, plus nombreux, emmenant tous ceux qui étaient dans la salle de contrôle, des élèves d’une classe de troisième, et divers particuliers qui avaient la mauvaise idée de se trouver au mauvais endroit au mauvais moment.
Une cellule de crise dénommée Cobra, réunissant toute la crème policière, politique et ce qui reste de scientifiques, tente de trouver des solutions. L’information commence à filtrer dans le public, ce qui occasionne des mouvements de panique car un groupe conséquent de rôdeurs est venu sur Terre, dans la région d’Upminster, et sème l’effroi.
En enfer, Anthony Trotter, le directeur adjoint du MI6, prend la tête du groupe, rencontre Thomas Cromwell en tête-à-tête pour négocier la meilleure place possible, promettant d’amener chacun à collaborer. Parmi les collégiens envoyés dans la boue, il y a le fils du secrétaire d’État à la Défense. Celui-ci fait pression sur le Premier ministre pour faire revenir son garçon. Mais quelles nouvelles catastrophes va déclencher la réactivation du collisionneur ?
Pourtant, John affirme que le seul qui soit capable d’en finir avec ce problème est le docteur Paul Loomis, qui a choisi de rester en enfer et s’est installé au fin fond de celui-ci…
Dernier volet de la trilogie, ce tome développe une vision peu connue de l’enfer et de son rapport au monde des vivants. Le romancier maintient, bien sûr, une part importante d’actions, de carnages, de batailles, de péripéties, avec les luttes menées dans les deux mondes. Sur Terre, il faut neutraliser ces rôdeurs qui sont la pire espèce des Damnés, des cannibales. Comment se défaire de ces entités, comment lutter contre des morts ? On retrouve ici quelques liens avec de célèbres récits de morts-vivants.
En enfer, la situation des vivants n’est guère plus brillante et le romancier va jouer sur la motivation des uns et des autres, sur la capacité de s’adapter à de nouvelles situations même les plus incongrues, sur l’ambition et la volonté d’arriver, de conquérir des avantages.
Cependant, il développe une dimension plus spirituelle, plus sociétale et religieuse en confrontant l’enfer tel qu’il est aujourd’hui (dans le roman !) aux images véhiculées par les religions, par certaines croyances, légendes, morales et mythologies. On retrouve une galerie de personnages historiques, de ves individus ayant, au regard de l’auteur, mérité leur sort, dans un rôle différent de celui qu’ils tenaient de leur vivant.
Glenn Cooper,donne aussi une mention spéciale aux travailleurs manuels estimant que ceux-ci méritent, par leur vie de labeur, le paradis. Le romancier ne fait-il pas dire à Thomas Cromwell lorsque celui-ci emmène des vivants au palais de Whitehall : “Mais ne vous attendez pas à une copie conforme. Nous sommes ici confrontés à une pénurie d’artisans et d’ouvriers valables.” Malgré le thème, la description désespérante de cet univers, son ambiance malsaine, l’auteur introduit beaucoup d’humour, celui-ci flirtant souvent avec l’humour noir.
Avec La Clé des ombres, Glenn Cooper clôt de façon magistrale une trilogie novatrice pour sa vision de l’enfer, une intrigue captivante et une galerie de protagonistes remarquablement mis en scène.
serge perraud
Glenn Cooper, La Terre des Damnés — t.3 : La Clé des ombres (Down Floodgate), traduit de l’anglais (États-Unis) par Diniz Galhos, cherche midi, coll. “Thrillers”, octobre 2017, 528 p. – 22,90 €.