Annalisa Cima longe sans but les eaux grises avant de de les rejoindre là où « Naviga la mia nave nell’oblio, respirando frammenti d’altri mari ». L’artiste hisse haut vent ses voiles de lumières de folie à la recherche d’un horizon qui perce les nuages. Plutôt qu’une déambulation mélancolique la poétesse face aux eaux mornes prouve que le vie n’est pas forcément stagnante sans être pour autant du Morandi.
De vieux fanstames suintent, réactivent le désir de se rendre là où s’efface la mélancolie des ailleurs et où elle trouverait cette lumière vers lequel elle chemine depuis si longtemps. Il s’agit d’échapper à ce qui oppresse pendant d’interminables années en refusant de s’effondrer et d’abdiquer. Fuir, c’est rencontrer enfin l’oubli. Qu’importent alors les aléas qui se sont succédés. Il s’agit de refuser d’être forcé à admettre qu’après un long périple tout demeure inchangé et que le même et le pareil reviennent.
Il ne faut donc pas de se recroqueviller dans la caverne de l’être mais se désencombrer de la coquille de soi-même. C’est le seul moyen de défoncer sol et sous-sol, les remparts, les fondations, la nacre. Tout désassemblé, l’espace est libre, plus de seuil à franchir; vogue le navire. Il s’agit de s’ouvrir à la totalité de ma vie, parmi ses vagues.
jean-paul gavard-perret
Annalisa Cima, Manifesto dell’oblio, colori su titanio de Pietre Pedeferri, Pulcinoelefante, Osnago, 2017.