Ce recueil de dix-sept nouvelles écrites entre 1934 et 1946 met en scène deux petites filles et les animaux de la ferme de leurs parents. Delphine, l’aînée, et Marinette, la plus blonde, ont presque vingt ans à elles deux. Dans cet univers, les animaux parlent le français, s’expriment, font part de leurs idées et sont compris des humains qui dialoguent avec eux. Ce sont les animaux que l’on trouvait communément dans une ferme franc-comtoise telle que l’auteur la connaissait, telle qu’il l’avait fréquentée, avec quelques exceptions exotiques comme la panthère et le mammouth. Ce n’était pas ces fermes modernes qui ressemblent plus à une chaîne de montage d’automobiles chez Citroën et Peugeot.
C’est ainsi que vaches, bœufs, cochons, canards, chats, chiens, paon, même un loup… peuplent ces contes. L’auteur décrit les parents comme des paysans durs au travail, un peu frustres, qui aiment cependant leurs filles avec une certaine rudesse. Mais ils ne font guère de sentiments avec les animaux, ceux-ci étant considérés du seul point de vue utilitaire. Les deux fillettes, elles, viennent en aide aux animaux, contre leurs parents.
L’auteur introduitsan une part de merveilleux dans certaines de ses histoires, chaque nouvelle lui permet de brosser, avec esprit, les travers de l’homme et de la société. Il insère dans ses récits nombre de réflexions à caractère philosophique sur la justice, la différence, sur l’égalité, sur le sens de la vie, sur la nature et intègre des remarques pleines de bons sens. C’est drôle, c’est gai, c’est vif. La forme est humoristique, l’écriture soignée, travaillée sous des apparences de facilité, de légèreté.
Certains des termes employés doivent aujourd’hui être accompagnés d’explications car, par exemple, qui dans ces nouvelles générations connaît encore le sens de Bohémiens, de Romanichels… ? Outre l’introduction écrite par Marcel Aymé en son temps, cette édition comprend une préface de François Morel, un texte poétique qu’il conclut avec la pertinence qui le caractérise : “…plongé dans ce royaume où la fantaisie et l’imagination sont souveraines. Ce continent infini dans lequel tous les rêves sont possibles, toutes les libertés à portée de la main et qui, si je ne me trompe pas, s’appelle la littérature.”
Ces contes satiriques, devenus une référence, offrent une lecture rafraîchissante, bienvenue en ces temps plutôt maussades, un bain de jeunesse.
serge perraud
Marcel Aymé, Les contes du chat perché, préface de François Morel, Folio n° 6370, octobre 2017, 416 p. – 7,70 €.