Dans les photographie d’Adrienne Arth, diverses associations font à la fois apparaître et éloigner une réalité en des jeux de diverses diagonales du fou. Brillante, la photographe trouve diverses manières de brouiller les pistes, de mettre en pièces les poncifs entre prises et déprises. C’est la raison pour laquelle ses images se modifient, se réagencent jusque dans et à travers son propre corps. Cela rejoint la question du lieu où l’on regarde, du point où l’on se trouve. Tout devient fluctuant entre dépôts mais aussi débordements. Le regard s’ouvre sur une vision qui n’est ni celle de l’être ni seulement de sa coquille palpable : tout s’agite et s’agence en reflets et échos : la maison de l’être bascule en s’amusant des propres vertiges qu’elle occasionne.
Entretien :
Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
La fin du sommeil!
Que sont devenus vos rêves d’enfant ?
Ils sont comme des fantômes sympathiques auxquels je me réfère.
A quoi avez-vous renoncé ?
Finalement, à peu de choses.
D’où venez-vous ?
J’ai toujours été ailleurs.
Qu’avez-vous reçu en « héritage » ?
En Art, plus qu’il ne m’en faut pour continuer à admirer, penser, avancer, chercher…
Qu’avez vous dû abandonner pour votre travail ?
L’idée de reconnaissance.
Un petit plaisir — quotidien ou non ?
Boire mon café le matin pour reprendre contact avec le monde.
Qu’est-ce qui vous distingue des autres photographes ?
Beaucoup et peu de choses à la fois. Nous travaillons tous avec le même médium et au même moment, donc influencés par des techniques comme par des images et le monde dans lequel nous vivons.
Je travaille avec ma singularité comme chacun et mon parcours artistique qui vient du Théâtre, en tant que metteur en scène ou comédienne. Ce qui positionne ma photographie dans une tentative de saisir une épaisseur du temps, son mouvement, une durée intérieure plus qu’un instant.
Comment définiriez vous votre approche du nu ?
Par un déplacement du regard.
Quelle fut l’image première qui esthétiquement vous interpella ?
Beaucoup. En peinture: De Staël, Matisse, Dufy, Egon Schiele. En photo: Saul Leiter, Mario Giacomelli.
Et votre première lecture ?
« À rebours » de Huysmans et les recueils d’Henri Michaux et de Verlaine.
Quelles musiques écoutez-vous ?
Toutes sortes de musique, de la musique classique à la musique contemporaine en passant par le jazz et les musiques du monde; j’aime Monteverdi, Bach, Debussy, Bartok, Ligetti, Heiner Goebbels, le Fado, le raga indien, Ella Fitzgerald, Billie Holiday, Duke Ellington, Michel Petrucciani…
Quel est le livre que vous aimez relire ?
En littérature (roman, poésie, théâtre), en donner un seul est impossible. J’ai plutôt le goût de lire l’œuvre entière d’un auteur. Parmi les derniers Sarah Kane, Beckett, Sylvia Plath, Celan, Kertesz, Claude Simon, Proust, Jaume Cabre… En philosophie : Spinoza et le Tchan.
Quel film vous fait pleurer ?
Je suis très bon public et je marche à fond. Je pleure, je ris et j’ai peur, mais les films qui me marquent durablement sont les films d’auteurs comme par exemple dans les derniers “Mange tes morts” de Jean-Charles Hue.
Et je ne peux m’empêcher d’ajouter aux films les Arts de la scène avec le dernier spectacle du chorégraphe Israël Galvan “Fiesta” ou les spectacles de la metteuse en scène italienne Emma Dante.
Quand vous vous regardez dans un miroir qui voyez-vous ?
Justement personne.
A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
Malheureusement à plusieurs, mais je regrette plus particulièrement Federico Fellini
Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
La Mer ou le désert.
Quels sont les écrivains et artistes dont vous vous sentez le plus proche ?
Difficile, car beaucoup me nourrissent et me questionnent justement parce qu’ils ne me sont pas obligatoirement proches. C’est l’intensité d’une œuvre qui me rend proche, je pourrais dire “qui me rapproche”. “Tu m’as donné ta boue et j’en ai fait de l’or” disait Baudelaire de Paris. Tous ceux qui transforment la boue en or me sont proches.
Qu’aimeriez-vous recevoir pour votre anniversaire ?
La paix.
Que défendez-vous ?
L’art et j’aime la devise française, excusez-moi si ça peut paraître chauvin : Liberté, égalité, fraternité, mais je ne suis pas pour une once nationaliste, et très friande d’altérité.
Que vous inspire la phrase de Lacan : “L’Amour c’est donner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas”?
Je ne suis pas d’accord. J’ai eu la chance de rencontrer l’amour et de le connaître toujours.
Que pensez-vous de celle de W. Allen : “La réponse est oui mais quelle était la question ?“
Celle-là , j’aime
Quelle question ai-je oublié de vous poser ?
La vie entière est question.
Présentation et entretien réalisés par jean-paul gavard-perret pour le litteraire.com, le 1er novembre 2017.