Quand l’énergie vint à manquer !
Pour mieux saisir ce que le romancier et le scénariste mettent en scène, il faut imaginer notre société brutalement privée du magnétisme. Toute la civilisation qui utilise les capacités de l’informatique, et toutes ses applications, n’aurait plus aucun moyen. Les actions basiques, quotidiennes deviendraient impossibles à réaliser car, par exemple, le fonctionnement des centrales nucléaires, thermiques, la distribution de l’électricité sont commandés via des calculateurs.
La disparition brutale de l’électricité entraîne toute une série de catastrophes sur Paris et peut-être sur toute la planète. La Ville d’or, ce fabuleux immeuble symbole du progrès technologique, de la victoire de la technique sur la nature, sombre dans le chaos. De plus, un avion, sans guide par la carence de la tour de contrôle, vient le percuter sous les yeux de François en route pour retrouver Blanche. Il réussit, à contre-courant, à monter à l’étage où elle se trouve. Il se collette avec Jérôme Seita, le producteur de musiques de la jeune femme qui propose à Blanche de partir avec lui. Son jet privé l’attend sur la terrasse. Blanche choisit de partir avec François. Dans une ville en ruines, la loi de la jungle s’est installée immédiatement. François veut fuir ce champ de décombres, mais seul et sans moyens, peut-il réussir ?
L’action se déporte de la catastrophe vers une période située quelques décennies plus tard quand le Patriarche est confronté au retour de la technologie avec la construction d’un chariot mû par la vapeur, une idée qui a germé en voyant le couvercle d’une marmite soulevée par l’émanation de l’eau bouillante.
Avec ce thème, René Barjavel jetait en son temps un pavé dans le débat qui se renforce aujourd’hui entre les tenants d’un usage immodéré de la technologie entraînant cependant un appauvrissement des ressources terrestres et ceux qui tiennent pour une meilleure gestion de ces ressources en allant vers des énergies renouvelables et moins polluantes. Son roman montrait un jusqu’auboutisme, une pénurie soudaine, puis un retour obligé, mais pas sans casse, aux outils naturels privilégiant la participation active de l’être humain. L’époque de son écriture était dans cette mouvance, renforcée par la situation des Français qui, dans un pays occupé par les nazis, manquaient de tout.
Jean-David Morvan apporte sa touche et en fait une relecture plus en lien avec la société de ce début du XXIe siècle. Il explicite, par exemple, dans un bel échange entre François et Jérôme Seita les arguments pour et contre le progrès, ses avantages et ses inconvénients. Rey Macutay multiplie les actions musclées, les bagarres, les batailles rangées, les scènes de panique, les destructions d’immeubles, d’avions, de voitures, d’humains… S’il “récupère” dans la première planche une célèbre scène, il fait preuve d’une belle imagination pour la suite.
Jean-David Morvan signe là une adaptation réussie du roman, privilégiant, avec l’emploi de l’image, les scènes spectaculaires et donnant un ton plus moderne à l’intrigue.
lire les premières pages
serge perraud
Jean-David Morvan (scénario d’après un roman de René Barjavel), Rey Macutay (dessin), Walter (couleurs), Ravage - t. 2/3, Glénat, coll. “Grafica”, octobre 2017, 48 p.- 13,90 €.