Quand le Western est vraiment à l’ouest
Avec Cinéphilou Helkarava dépote. Son album, dans l’esprit d’un Wilhem (si l’on veut à tout prix jouer le jeu des références), évite bien des pièges. Le thème du cinéma permet une richesse plastiques et tout un jeu de reprises astucieuses. L’album possède une force centrifuge, elle n’est pas là pour détruire la fiction cinématographique mais la nourrir d’histoires et anecdotes. « Cinéphilou » (le personnage) est attachant. Nul ne peut lui donner d’âge : est-il encore enfant ou déjà un vieillard ? Il n’a en tous les cas jamais été adulte même si sa connaissance de cinéma est encyclopédique.
Helkarava prouve que son personnage devient le fou du logis nommé cinéma. Il est aussi une sorte de passeur pervers. Il permet de monter une suite de tableaux sans aucune redondance. La prise du plaisir du héros fait de lui parfois une victime consentante de son addiction mais parfois les autres sont les dindons de ses bévues. Transgressif (comme le dessin du créateur), il fait entrer dans les salles de cinéma qui deviennent d’étranges théâtres du sacré et de la profanation. Elles passent d’un état d’absolu à celui d’un désordre.
L’album échappe à tous les standards de la B.D. classique. La « pornographie » elle-même n’y est abordée qu’incidemment dans les quelques images où le phallus est une ancre jetée non pour la renforcer mais pour l’ôter. Pensant mal, le dessinateur montre bien. Il échappe par son style au simple effet de scandale et devient le créateur à suivre.
La forme demeure essentielle, elle donne de l’éclat aux choses visibles et invisibles. Par sa présence, par le héros et ses comparses, le cinéma reste une drogue. Elle prend des dimensions de gouffre.
jean-paul gavard-perret
Helkarava, Cinéphilou, Capricci Editions, Paris, 2017, 96 p. — 16,00 €.