À Copenhague, Osvaldur, un étudiant en médecine a le sentiment d’être suivi. Son ami Christian, qui l’a recruté pour fonder un réseau de résistance, a été arrêté par les allemands.
Dans la ville finlandaise de Petsamo une jeune femme attend son fiancé pour rentrer en Islande avec l’Esja, un paquebot qui doit rapatrier les Islandais d’Europe dans leur pays. Il n’arrive pas. Reconnaissant Ingimar, un des camarades de faculté de son fiancé, elle l’interroge. Celui-ci a entendu dire qu’Osvaldur aurait été arrêté. Le capitaine du bateau obtient par radio l’information et tout le monde embarque.
À Redjavik, Flovent, le seul agent de la criminelle, et Thorson de la police militaire sont confrontés à une agression sauvage. Près d’un bar à soldats, un homme a été assailli à coups de tessons de bouteille. Il décède rapidement. Aucune disparition n’est signalée, tant dans l’armée que dans la population locale. Un noyé vient s’échouer sur la côte au sud du nouvel aéroport. Des analyses révèlent à l’autopsie une anomalie. Une femme, qui fréquente régulièrement les militaires, disparaît. L’enquête s’annonce difficile entre une armée américaine jalouse de ses prérogatives et une population locale peu motivée.
Pendant la traversée, la fiancée d’ Osvaldur est relancée par Manfred, un joli garçon avec qui elle a eu une aventure à Copenhague. Celui-ci veut renouer alors qu’elle est tourmentée par le remords pour avoir trompé Osvaldur. Ingimar, l’ayant vu en discussion avec Manfred, lui demande si elle le connait et si elle connait l’oncle de celui-ci. Après une alerte, le bateau repart mais le capitaine constate la disparition d’un passager… Ingimar.
Installée depuis quelques mois chez sa tante, l’héroïne reçoit la visite de Kristmann. Celui-ci est à la recherche de celui ou ceux qui ont jeté son frère, Ingimar, par-dessus le bord de l’Esja. Peu à peu, ils fourbissent une machination dans un univers en guerre où les masques ne sont pas faciles à faire tomber…
Avec ce second volet de sa trilogie sur le monde de l’espionnage en Islande pendant la seconde Guerre mondiale, le romancier dépeint l’atmosphère qui régnait dans l’île. Il raconte les difficiles relations entre cette armée d’occupation et la population locale. Il met en scène une galerie de personnages qui couvrent la quasi-totalité des caractères courants que l’on trouve dans une société humaine, allant du plus répugnant au plus empathique, des individus vivants des drames intimes. Il évoque le problème des jeunes hommes travaillés par la testostérone, une population en surnombre, décalée, confinée, prêt à des excès.
Il en découle la variété de la prostitution, les lieux où les relations plus ou moins tarifées se nouent, où s’échangent des produits alimentant un marché noir. L’auteur évoque la situation des homosexuels, une inclinaison fort mal vue à l’époque, surtout dans l’armée. Outre la prostitution, le viol reste la tentation d’un petit nombre avec ses conséquences. Indridason raconte la vie bouleversée de femmes qui cherchent refuge dans les différents sentiments qui font et défont les couples, avec le désir de revanche, de vengeance. Il remet en scène les deux jeunes enquêteurs du premier volume, à savoir Flovent et Thorsen, et les mesure à une hiérarchie fermée, leur fait suivre des pistes contradictoires et dangereuses face à des officiers corrompus, à la Gestapo et à de vulgaires voyous…
Arnaldur Indridason conjugue plusieurs intrigues entremêlées, à suivre avec attention, à l’image de cet univers de l’ombre, toile de fond de sa trilogie. Le romancier joue avec le temps, joue avec un décalage dont il donne cependant, l’indication dès la première page avec une information historique. La Femme de l’ombre est captivant avec sa théorie de protagonistes attachants ou ignobles selon leur rôle, avec ces intrigues habilement menées dans un cadre historique à découvrir, un aspect peu connu de la Seconde Guerre mondiale.
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serge perraud
Arnaldur Indridason, Trilogie des ombres, t.2 : La Femme de l’ombre (Petsamo), traduit de l’islandais par Éric Boury, Éditions Métailié, Bibliothèque Nordique (Noir), octobre 2017, 336 p. – 21, 00 €.