Solitudes nocturnes et urbaines
Sous un formalisme pris parfois pour décoratif, les travaux de Philippe Cognée — au milieu de la densité des couleurs pas forcément habituelles chez l’artiste – créent une impression de mystère, de froid, de violence nécessaire que fait surgir — par évidence criante et une nouvelle fois — la confrontation de l’œuvre avec l’univers urbain dans lequel nous baignons.
Les masses architecturales (dont les êtres ont apparemment disparu) semblent proches d’une apocalypse. L’artiste atteint à la fois une densité de vide et une densité de vue en des lieux presque tragiques qui a sans doute à voir, en dépit de leur ordonnancement sage, avec l’enfer de Dante plutôt que celui de Blake.
Ne reste qu’une ossification en couleurs sombres capable d’exprimer une sorte de transparence paradoxale et d’absence mais peut-être aussi de lutte pour la survie au-delà d’un temps humainement chiffrable. L’œuvre cisaille l’univers urbain afin de signaler son spectre. La vue devient volontairement trouble pour porter atteinte à l’épaisseur citadine et ses contrefaçons qu’a souligné sur un plan architectural Rem Koolhass. C’est ce qui crée l’originalité et l’émotion d’une peinture qui ne se précipite jamais dans le sentimentalisme.
L’émotion est limitée et renvoie en masse à quelque chose de corrosif et de cruel là où se poursuit la dualité entre le désir de vivre et l’enfermement de la cité.
jean-paul gavard-perret
Philippe Cognée, (exposition), Templon Bruxelles, du 26 octobre au 23 décembre 2017.