Christopher Panzner et Mike Foldes : cavaliers de l’orage
L’art de Christopher Panzner porte en lui la dissipation des ténèbres par sa colonne de feu : il met à mal certaines images pieuses. Dans cette approche, le religieux prend un sens particulier. S’affrontant à ou s’appuyant sur, entre autres, celui pour qui Dieu était mort (Nietzsche), il rétablit l’ordre des culpabilités et des innocences que Mike Foldes souligne judicieusement et sans ambages.
Exit la concorde de la Liturgie du samedi Saint. La peinture fait donc passer des ténèbres à la lumière mais loin de la chanson bien douce des agonies et des Pâques fleuries. Car il reste donc toujours beaucoup de mort dans les rituels de paix et ce depuis l’Aleph de l’Alphabet juif. Dans leur lumière trouble, leur figuration décalée la lumière demeure une Nuit hyperbolique puisqu’elle est autant de destruction que d’espoir. Et face à Luther qui annonçait avant Nietzsche que dans le christianisme Dieu est mort (c’est sans doute là la mélancolie du XVIème siècle), Panzner rameute sinon un dieu soleil du moins ses satellites noirs.
Car si toutes les mythologies séparent le jours et la nuit (Ouranos et Gaïa), s’il existe toujours la castration de la terre par le ciel, Panzner et Foldes proposent une plus juste vision en posant la question : qui tient la chandelle ? Est-ce Dieu et ses sbires ou le peintre et le poète ? Chez les deux créateurs le tableau et le poème ne sont plus la métaphore du regard de dieu, l’allégorie de l’unité et de l’infini. Mais chaque œuvre montre ce que l’image pieuse cache. L’œuvre croisée n’envisage pas le sacré : elle le dévisage.
La docte ignorance (Nicolas de Cues) d’une telle peinture repose sur l’opposition entre la foi et ce qu’elle cache chez ceux qui la professent. L’œuvre saisit le religieux à bras-le-corps, en montre les limites jusqu’en maltraitant la filiation adoptive que De Vinci a bien mis évidence dans son célèbre Logo. Ce n’est plus l’homme dans le cercle qu’il constitue qui devient ressemblance et dépendance de l’Unité. Il est remplacé par un fou de dieu parfaitement athéologique en dépit de sa croyance. La peinture chasse donc l’animalité de la nuit de dieu, évite d’entrer dans son brouillard.
Foldes et Panzner mettent à mal la Connaissance lorsqu’elle devient douteuse et que ses effusions ne sont que des confusions et le bras armé et céleste d’idéologies hypocrites et obscures. Les deux créateurs montrent que – à condition qu’il soit touché par la grâce iconoclaste – l’art dépasse la métaphysique pour atteindre la vraie mystique. Foldes, en nouveau W. Blake, peut donc rappeler que la peinture est une conjecture de circulation. Elle met au cœur du paradoxe de la croyance.
Le peintre et le poète sont donc des médiateurs d’un anti-culte dans leur dialogue irénique entre les objets perceptifs et l’Idéal dans l’art lorsqu’il devient la relecture des images pieuses. En peinture et en poésie la nuit n’est pas le diable, c’est le dieu renversé. Son sabbat nocturne brille des feux de folies et de fées, elle est, comme le personnage du Sleepy Hollow de Tim Burton, la cavalières de l’orage. Elle invente sa nuit pour réinventer le jour.
jean-paul gavard-perret
Mike Foldes & Christopher Panzner , “Fashions and Passions’ (Me and Utopia), 2017, visible sur : https://www.pinterest.fr/indigo9461/fashions-passions/