Christophe Lambert est un écrivain plus qu’intéressant. Après un passage par le cinéma et la télévision, il devient un écrivain prolifique. Il commença son travail littéraire par un roman policier pour la jeunesse : Sitcom en péril, charge ironique sur la télévision puis se tourne vers la S-F avec La Nuit des mutants. L’ironie est toujours présente même lorsqu’il écrit un hommage aux films d’horreur de John Carpenter dans Le Souffle de Mars. Le cinéma reste présent dans toutes ses œuvres et il écrit un space opera en trois tome en écho à Star Wars : Les Chroniques d’Arkhadie.
Son Canine est un court texte poétique, écrit comme en aparté de ses longs récits et de manière quasiment aphoristique. Chaque segment, dans sa subite morsure, est lourd d’échos profonds. Mais sans y toucher ou presque, comme le prouve par exemple La tombe de Tino Rossi. Stockholm : « Combien de nuits tu nous as accompagnés ? Combien ? / … ceci n’est pas un jeu, c’est plus compliqué. /Pas de différence entre la réalité et l’imaginaire. Les deux peuvent te rendre malade ou te sauver. » A la manière du « vieux saltimbanque » du Baudelaire, l’auteur oppose l’art (populaire) et la nécessité afin de prouver que l’homme descend du songe. A une telle aune, si regarder un film à la télévision est assommant, l’éteindre n’arrange rien. Lambert le sait et il en a fait son beurre.
Preuve que le couple imaginaire et réalité se résume à une communauté réduite aux aguets. Ce qui n’empêche pas — bien au contraire — celui qui est plus racinien que cornélien d’aimer le chagrin mais sans en faire des tirades. Son minimalisme reste des plus efficients. S’y cultivent le doute et l’ambiguïté : « Il est possible d’être dans le même camp sans pour autant avoir les mêmes / convictions, du moins en partie, sinon ce serait une utopie, ou encore une dictature. / Messieurs, Mesdames, posez des bombes, s’il vous plaît. / Il faut faire les choses compromis. » D’où cette écriture de la désillusion où la seule tolérance tient au fait que les noms des cons ne sont jamais donnés.
Et cela nous arrange : nous le sommes tous un peu, n’hésitant jamais à mordre les mains qui nous caressent et à cultiver notre pusillanimité : elle nous fait découvrir la beauté moins dans notre compagne que chez celles des autres. Ce qui n’empêche pas l’auteur, après de tels tacles, d’appeler à une certaine mansuétude sinon pour le quidam du moins pour lui. Preuve que la bonne charité commence par soi-même. Le blasphème y jouxte l’adoration là où l’existence bat encore dans des couches denses aux couleurs presque absentes.
jean-paul gavard-perret
Christophe Lambert, Canine, Editions litterature mineure, Rouen, 2017.