Marc Alpozzo, Partir — Cartographie de l’errance

Voyage autour de sa chambre

Le génie du lieu forain semble offrir un prix sup­plé­men­taire à la conquête de l’homme : il se veut tou­jours un Don Juan des espaces. Pour preuve, ces cohortes de retrai­tés qui arpentent le monde à la conquête d’une géo­gra­phie sur cata­logue. Ita­lie, Espagne, Tur­quie, USA, Gala­pa­gos tout est bon dans le cochon du tou­risme. Mais c’est bien igno­rer ce qu’il en est du dépla­ce­ment. Celui que nous pro­pose Alpozzo — spé­cia­liste de la lit­té­ra­ture par cor­res­pon­dance — est d’une autre enver­gure.
L’aventure est à la fois indexée sur les grands voya­geurs (D’Abel de la Bible à la suis­sesse Alexan­dra David Néel en pas­sant par Le Clé­zio, Kerouac et autres arpen­teurs des espaces incon­nus. Pour autant, l’auteur est un joyeux per­vers. Per­sé­cuté par des pen­sées incer­taines, ses pul­sions le forcent à quit­ter l’ici pour l’ailleurs. Néan­moins, chez lui, le séden­taire triomphe du nomade d’une manière inédite.

Le per­pé­tuel insa­tis­fait à la fois par l’expérience du dehors et l’angoisse des départs trouve sa séré­nité et assou­vit son besoin de bou­ger par une parade : par­tir ne débouche pas for­cé­ment sur la transe de la bou­geotte. Un voyage autour de sa chambre — si du moins elle est engros­sée des livres qu’il convient — per­met d’éponger le besoin d’être tou­jours en route. Le plai­sir du voyage passe par une chi­mie par­ti­cu­lière et d’autres périples et ivresses que celui de l’arpentage géo­gra­phique.
La quête de soi tire de la lit­té­ra­ture l’ivresse des décou­vertes. Grâce à elle, l’âme voyage afin d’assouvir sa pul­sion. L’amour de la lec­ture devient le ter­ri­toire et la carte Miche­lin du monde. Elle est aussi la carte du Tendre de la recon­nais­sance, de l’estime, de l’extime et des incli­na­tions mais sur­tout de l’intime.

Le livre devient une véri­table casuis­tique non à des­ti­na­tion des Pré­cieuses et Pré­cieux qui tentent d’accorder un prix à l’agitation mais des forts en thème dont l’utopie se nour­rit de cir­cuits allé­go­riques. Le savoir-être ne pré­tend pas à la décou­verte d’autre lieu que la mai­son de l’être. Seul ce voyage per­met de créer une dia­lec­tique de l’être avec lui-même.
Il suf­fit de trou­ver les entre­met­teurs de ce pas­sage forcé : l’auteur nous les offre sur pla­teau afin que nous embar­quions, explo­ra­teurs de nous-mêmes, dans un bateau ivre.

jean-paul gavard-perret

Marc Alpozzo,  Par­tir — Car­to­gra­phie de l’errance, Les édi­tions du Lit­té­raire, Paris, 2017, 97 p. — 23,00 €.

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Filed under Espaces ouverts, Poésie, Romans

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