François Bon, Bob Dylan — Une biographie

Un livre déce­vant qui aborde la vie de Dylan façon Les châ­teaux de la Loire pour tou­ristes pressés

I’m not there. La bonne blague.
Bob Dylan, ce Noël, est par­tout, et sous toutes les formes. Le nou­veau et énième best of (en quarante-cinq ans de car­rière, qui les compte encore ?) existe en cof­fret trois CD, ver­sion de luxe — com­prendre “avec de jolies images dedans” — ou simple. Et même en ver­sion double album si c’est pour offrir à un parent vrai­ment loin­tain. Si vous pré­fé­rez les DVD, on vient de retrou­ver les images du fes­ti­val de New­port de 1963 à 65. Vous êtes res­tés fidèles au grand écran ? Nous avons le der­nier Todd Haynes, I’m not there donc. Son inté­res­sante (fausse) bande son éga­le­ment, jolie col­lec­tion de covers inédites du Maître. Et si vrai­ment rien de tout ça ne vous tente, il y a le livre, Bob Dylan — Une bio­gra­phie, le nou­veau Fran­çois Bon.
Mais, si je peux me per­mettre, que ce soit votre der­nier choix.

Une rapide com­pa­rai­son avec le film de Todd Haynes per­met de mettre en évi­dence trois défauts majeurs du nou­vel opus de Fran­çois Bon consa­cré à un mythe de la culture popu­laire contem­po­raine, cinq ans après Rol­ling Stones, une bio­gra­phie.

Défaut n° 1 : l’approche. Celle de Haynes a la force de l’évidence : confier à plu­sieurs acteurs l’incarnation de plu­sieurs facettes de Bob Dylan : le pro­test sin­ger, l’électrique, l’ermite… Ce n’est pas en soi une trou­vaille pour un artiste qui dit qu’il faut aimer les puzzles pour le com­prendre, mais c’est effi­cace. Chez Bon, c’est l’Histoire par le petit bout de la lor­gnette, voire le trou de la ser­rure. Le syn­drôme “visite des châ­teaux de la Loire” : dans ce lit Louis XV a failli dor­mir, vous voyez le genre. D’après mes vagues sou­ve­nirs de lycéen, je croyais pour­tant que l’approche pure­ment anec­do­tique d’un évé­ne­ment ne se pra­ti­quait plus depuis le XIXe siècle. Bon n’en a cure et le lec­teur se trouve ainsi sub­mergé d’informations aussi cru­ciales que :
On est le 19 ou le 24 jan­vier 1961, la voi­ture est une Che­vro­let Impala de 1957 et Bob Dylan s’en va à New York. Le pro­prié­taire de la voi­ture , David Ber­ger, qui conduit en alter­nance avec Unde­rhill, dira plus tard avoir lâché exprès ses pas­sa­gers au bord de la ville, à l’extrémité de Queens : parce que le type à l’arrière, quand il ne dor­mait pas, chan­tait sans arret Woody Guthrie, et qu’il n’en pou­vait plus.
Seuls quelques mor­ceaux ont droit à un sem­blant d’analyse, des textes sur­tout (inex­pli­ca­ble­ment tra­duits en entier) mais aussi, quand même, par­fois, des méthodes d’enregistrement. Mais ce ne sont que quelques para­graphes au milieu de mil­liers d’allusions ou récits des ren­contres et cou­che­ries variées du bon­homme, cen­sées l’expliquer.

Défaut n° 2 : l’absence d’effort lit­té­raire. L’autre bonne idée de I’m not there consiste à asso­cier à chaque Dylan un trai­te­ment ciné­ma­to­gra­phique cohé­rent : hom­mage aux wes­terns des années 70, au Fel­lini de Huit et demi… On appelle ça une mise en scène. Rien de tout ça chez Bon, pour qui une bonne bio­gra­phie est une chro­no­lo­gique accu­mu­la­tion de faits, pas un exer­cice d’écriture.

Défaut n° 3 : le rythme. Haynes alterne ses per­son­nages dans un joyeux chaos proche de l’esprit dyla­nesque. Et se per­met des varia­tions sur la vérité et la légende assez réjouis­santes (Cate Blan­chett sin­geant les inter­views visibles dans le docu­men­taire de Scor­cese, par exemple). Le parti choisi par Bon l’oblige au contraire à vou­loir tout trai­ter. Mais comme dans Rol­ling Stones, une bio­gra­phie, il ne peut s’empêcher de s’apesantir exa­gé­ré­ment sur cer­taines périodes (il faut se goin­frer plus de cent pages avant d’arriver aux pre­miers enre­gis­tre­ments de Bob Dylan) alors que la seconde moi­tié de la car­rière de Dylan est trai­tée en quelques pages, et par-dessus la jambe (pas une ligne sur l’exceptionnelle tri­lo­gie des dix der­nières années…). Et à vou­loir embras­ser toute une vie, sur­tout celle-là, on passe fata­le­ment à côté de vrais sujets — pour­quoi dès 64 Dylan s’entoure-t-il pour ses tour­nées d’écrivains, pho­to­graphes, cinéastes ? — ou alors on s’autorise des rac­cour­cis éton­nants :
et pour­quoi ce titre “Blonde On Blonde” ? Parce que les ini­tiales en sont BOB, tout sim­ple­ment BOB, et une fois de plus la volonté que le disque soit comme un auto­por­trait.

Pas Bon, vrai­ment. Le Haynes, si vous avez le temps.
Et n’importe quel disque de Dylan (ou presque) de toute façon.

g. menan­teau

   
 

Fran­çois Bon, Bob Dylan — Une bio­gra­phie, Albin Michel, août 2007, 484 p. — 22,00 €.

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