La naissance du spiritisme moderne
En 1904, dans l’État de New York, un journaliste regrette d’avoir été l’instrument de la perte, il y a dix ans, de Margaret Fox, la personne la plus incroyable qu’il a pu rencontrer.
L’histoire débute cinquante-six ans plus tôt, dans une maison froide, dénommée par les habitants de la petite ville comme la maison du meurtre et qui la réputation d’être hantée. Le pasteur Fox vient d’y emménager avec son épouse et deux fillettes, Margaret et Kate. Cette dernière s’amuse à provoquer des craquements pour effrayer sa mère. Elle invente un interlocuteur qu’elle appelle Monsieur Pieds Fourchus, qu’elle désigne comme l’auteur des bruits.
Leur mère est si impressionnée qu’elle en parle autour d’elle. Et quand les fillettes décident d’arrêter leur farce, elles trouvent l’entrée de la maison envahie par les voisins. Pour ne pas faire perdre la face à leur mère, elles jouent le jeu et donne des indications quant au défunt qui communique avec elles. Un jeune correspondant du Rochester News, présent, voit l’occasion de briller par un article original. Et c’est l’emballement médiatique…
Philippe Charlot entreprend de raconter dans le détail l’origine, le démarrage et l’évolution de ce fantastique mouvement qui a conduit au regroupement des millions d’adeptes de l’occulte, mouvement qui a permis l’émergence du spiritisme moderne. Depuis une nuit de 1848 à Hydesvile, une petite cité de Californie, l’engouement s’est déployé et, moins de six ans après, ce ne sont pas moins de trois millions d’adeptes qui pratiquent la consultation des esprits. Parmi eux, des sommités de tous bords telles Victor Hugo, James Fenimore Cooper, Arthur Conan Doyle, des savants, des intellectuels… Ce n’est que plus tard qu’une partie de la supercherie sera dévoilée, bien que les sœurs confesseront qu’elles n’étaient pas toujours à l’origine des coups censés être les réponses des défunts.
Le scénariste propose un récit mettant en lumière le développement exponentiel de ce qui initialement était une farce d’enfant et la façon dont les deux jeunes filles ont été entraînées, victimes malgré elles d’un piège qui s’est refermé sur leurs propres mensonges. Mais il ne prend pas partie pour ou contre la croyance, se bornant à énoncer des faits, à être le plus objectif et le plus explicite possible. Il montre aussi la large part de responsabilité des médias de l’époque déjà avides de sensationnel, d’exceptionnel, qui ne le trouvant pas n’hésitent pas à le façonner.
Grégory Charlet donne une mise en images portant principalement sur les personnages en plans américains et rapprochés. Il utilise un dessin semi-réaliste avec des traits précis mais peu nombreux, s’appuyant sur la mise en couleurs pour créer les volumes. Il reteint des teintes sépia, ces tons rappelant des documents anciens, donnant ainsi un côté historique à ses pages.
Ce premier tome des Sœurs Fox met en scène une histoire peu connue, mais passionnante, servie par une mise en images tout à fait appropriée au sujet.
serge perraud
Philippe Charlot (scénario) & Grégory Charlet (dessin et couleurs), Les sœurs Fox - t.1 : “Esprits êtes-vous là ?”, Bamboo, coll. Grand Angle, 31 mai 2017, 48 p. – 13,90 €.
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