Si muses, déesses et autres baigneuses disparaissaient des tableaux…
Un musée offre à la vue de son public des œuvres présentant des personnes dévêtues, voire nues. Parmi elles figure un nombre important d’Eve dont le charme est indéniable. Mais que deviendrait ce musée si, brusquement, muses, déesses et autres baigneuses disparaissaient, ne laissant que les décors et des personnages secondaires ?
Stéphane Levallois imagine la situation et lance un enquêteur amateur, en l’occurrence un gardien, sur la piste des disparues d’Orsay. Cet album s’inscrit dans une collection spécifique où figurent déjà trois autres opus, une coédition entre Futuropolis et le Musée d’Orsay.
Virgile Gautrey est gardien au Musée d’Orsay depuis trente ans. Depuis, il fuit la compagnie des hommes comme celle des femmes. Personne ne le remarque, il est comme un fantôme. Un matin, commençant sa journée, il s’aperçoit que la muse de La Source n’est plus là, ne figure plus sur le tableau. Il parcoure, effaré, les salles voisines. Les baigneuses de Puvis de Chavannes, une Vénus… sont parties. L’émotion est trop forte, il tombe évanoui. C’est la voix de Goethe qui le réveille et insiste pour qu’il parte à la recherche des disparues. Le temps presse, il n’a plus que vingt heures avant…
Alors qu’il est sous la célèbre horloge, un train entre avec fracas dans le bâtiment, qui est inondé comme en 1910. Il voit un homme masqué monter dans ce train qui repart. Dante tend la main pour que Virgile puisse se hisser dans le convoi. Il va aller de surprise en surprise, dans un voyage à rebrousse-temps, dans un parcours surréaliste, voire fantastique !
Le cahier des charges proposé à l’auteur était simple et permettait toute latitude dans le choix et dans la construction de l’intrigue. Orsay, qui fêtait ses trente ans d’existence, devait être le héros de l’histoire. Stéphane Levallois convie ses lecteurs à un vaste jeu de piste tonique et poétique à partir du musée d’Orsay et des œuvres qui y sont exposées. Cependant, il confesse que sur les quatre-vingt-cinq pièces qui composent le puzzle qu’il a constitué, quelques-unes sont à l’Orangerie et dans d’autres lieux. Il prend en compte le passé du monument, rappelant qu’avant de protéger des œuvres, Orsay a été une gare. Donc, n’est-il pas naturel que le scénario embraye sur des trains et qui dit trains dit voyages !
Dans sa quête, Virgile rencontre nombre d’artistes dont les œuvres ont été dépouillées de leur plus beau sujet. Avec cet album, l’auteur invite à une visite atypique du musée, guidant ses lecteurs chez les pompiers, les expressionnistes, les impressionnistes… Il sème tout son récit de références cinématographiques, littéraires et picturales. Ainsi, le nom du gardien, Virgile Gautrey, est le même que celui d’un gardien qui œuvrait dans Belphégor, le fantôme du Louvre, une magnifique série avec en vedette Juliette Gréco et Yves Régnier, diffusée sur le Ière chaîne de l’ORTF en mars 1965. On retrouve aussi l’utilisation de cet accident si spectaculaire arrivé en 1895 à la gare Montparnasse quand un train a jailli du bâtiment et que sa locomotive s’est plantée presque droite dans le sol.
Avec Les disparues d’Orsay, Stéphane Levallois donne à voir une magnifique succession d’œuvres dans une atmosphère presque onirique, battant le rappel d’artistes célèbres mais aussi de créateurs quelque peu tombés dans l’oubli. Un superbe album qu’on ne se lasse pas de feuilleter.
Nota : l’auteur livre, en fin de volume, la liste des tableaux, sculptures, artistes qui traversent son histoire.
serge perraud
Stéphane Levallois, Les disparues d’Orsay, Futuropolis – Musée d’Orsay, juin 2017, 80 p. – 19,50 €.