De la propagande en milieu démocratique (ou presque)
Notre cerveau et son fonctionnement sont devenus le champ d’investigation des centres majeurs des recherches avancées. Le M.I.T. par exemple est devenu le lieu le plus avancé de l’expérimentation cognitive. Une majorité de ses laboratoires de pointe s’y intéressent. Protégée par sa censure de l’Internet, en dehors les USA, seule la Chine pour l’heure peut damer le pion à Boston et la Silicone Valley. L’Europe est donc le vassal de l’Amérique via Internet, Google, Facebook, Instagram, etc. C’est à peine si quelques chercheurs et starts-up tentent de récupérer des miettes en créant des applications qui ne tiennent parfois que du gadget.
Face à ce désastre insidieux voire agréable, Lucy Watts propose un abécédaire illustré pour décrire ce qui se passe dans cet univers de propagande organisée de manière quasi parfaite. Dans cet abrégé, l’essentiel de l’interprétation du monde par fabulation est passé au crible de l’imagerie affective et mentale comme si l’art premier (le dessin) était le plus sûr contre-pouvoir aux pièges numériques. En ces derniers et au besoin la fake news devient vérité. Mais le brave Trump lui-même dans cette galaxie n’est qu’un plaisantin.
Le glossaire est rehaussé à chaque page de lithographies en couleurs humoristiquement ” pédagogiques”. Lucy Watts dresse l’état des techniques d’embrigadement en se fondant sur le « Propaganda » d’Edwards Bernays, éminence grise de la manipulation de masse en milieu démocratique. Mais sachant qu’une image vaut mille mots Lucy Watts, à travers les mots valises de la communication (novlangue, sondage, Hollywood, etc.), montre comment entre la « matrice » et nous la pensée devient une vue d’un esprit en déshérence par programmation insidieuse.
Par les schémas et dessins de la jeune artiste jaillissent les histrions dramatiquement comiques de « la propagande en temps de paix » : médias, publicité, conseillers en communication et, de manière plus souterraine, les agences de renseignements et leurs manipulations psychologiques, du Mossad à la CIA en passant par les réseaux de Daech et les grandes firmes au marketing de nouvelle génération. De la pensée il ne reste qu’un leurre.
Il s’infiltre non seulement dans nos représentations mais en nos corps-circuits court-circuités. Le but recherché par l’artiste est de cesser de laisser croire en la vérité des mensonges programmés au moyen de ses évidements plastiques d’ « évidences » là où, entre l’imaginaire et la réalité, embrasser le cœur des choses tient du même fantasme que celui que caresse le voyeur des films classés jadis X. Ceux de la médiasphère sont dans leurs fantasmagories spécifiques à classer XXL.
jean-paul gavard-perret
Lucy Watts, Abécédaire de la propagande en temps de paix, Editions Le Passager Clandestin, Neuvy en Champagne, 2017, 68 p. — 25,00 €.