Gianni Biondillo, Le Charme des sirènes

Un Milan pas­sion­nant à découvrir 

Gianni Bion­dillo, archi­tecte mila­nais, écrit pour la télé­vi­sion, pour le cinéma. Il bâtit une série poli­cière avec l’inspecteur Michele Fer­raro. Celui-ci est issu du Quarto Oggiaro, un quar­tier popu­laire de Milan où il a passé son enfance et noué de solides liens ami­caux. L’incanto delle sirene, publié en Ita­lie en 2015 est tra­duit par les Edi­tions Métai­lié pour une paru­tion le 5 octobre 2017.
Cette sixième enquête de Fer­raro com­mence en sep­tembre pen­dant une vague de cha­leur. Mimmo a si chaud qu’il ne peut dor­mir. Et il a hor­reur des insom­nies ! Alors qu’il s’assoupit enfin des coups vio­lents sur le palier le mettent de très mau­vaise humeur. Il voit deux voyous for­çant la porte de l’appartement d’en face, inoc­cupé depuis trois ans, pour loger une famille de migrants contre une somme cra­pu­leuse. Il s’emporte, met hors d’état de nuire les deux mal­frats et fait res­ti­tuer l’argent. Mais il a pro­vo­qué tant de bruit que la police est aver­tie. Michele Fer­rara, un poli­cier bien tran­quille, se voit confier le dos­sier sur le racket des appar­te­ments à par­tir des inci­dents de la nuit pré­cé­dente. Or, Fer­rara et Mimmo ont grandi dans le même quar­tier et sont amis d’enfance. Ils étaient sur­nom­més Clou et L’Animal.
Deux ans plus tôt, Aïcha, neuf ans, et son frère ont fui la Libye pour rejoindre l’aîné qui vit à Milan. Après une tra­ver­sée périlleuse, ils sont sépa­rés en gare de Rome. Oreste, dit Mous­tache, un clo­chard, décide de reve­nir dans sa ville natale pour y mou­rir. Il trouve Aïcha débous­so­lée et, avec réti­cence, décide de s’en occu­per.
Giu­lia, la fille de Fer­rara, regarde avec lui, à la télé­vi­sion, le défilé qui ouvre la semaine de la mode parce qu’une amie, man­ne­quin, y défile. Sou­dain, la fille qui se tient der­rière le cou­tu­rier s’effondre, une balle dans la tête. Fer­raro, à la demande expresse d’Elena Rinaldi, une super poli­cière inter­na­tio­nale, et de Luisa Don­na­civa, grande dame de la mode, est déta­ché pour par­ti­ci­per à cette enquête hau­te­ment média­tique. Il débarque dans un monde effarant…

On retrouve dans ce livre le ton déli­cieux des comé­dies ita­liennes des années 1950 quand de pres­ti­gieux met­teurs en scène pas­saient au crible les tra­vers des dif­fé­rentes couches de la société ita­lienne. Gianni Bion­dillo res­ti­tue cet humour tant dans des dia­logues au souffle pétillant que dans les situa­tions, avec des indi­vi­dus à la frange de la léga­lité, dans la recherche de com­bines plus ou moins foi­reuses, mais si atta­chants dans leur inno­cence ou indé­cence.
Il donne une des­crip­tion du monde de la mode, cet uni­vers qui vit sans cesse en sur­chauffe depuis l’ouvrière, le “dieu créa­teur” jusqu’aux man­ne­quins. Il expli­cite les contraintes des uns et des autres avec objec­ti­vité même s’il se per­met de sérieux coups de griffes jus­ti­fiés par le simple bon sens. Il dépeint l’atmosphère qui règne en ces lieux, les ten­sions, les enjeux, les hypo­cri­sies, les luttes pour être tou­jours en pre­mière place, prêt à tout pour cela. Mais il montre éga­le­ment la réa­lité éco­no­mique, les coûts éle­vés qui se jus­ti­fient, en par­tie, par la masse de tra­vail que néces­site la réa­li­sa­tion d’un modèle, expli­cite les enjeux éco­no­miques pour la région, pour le pays.
Son héros, qui est placé par sa fille ado­les­cente face aux nou­veaux moyens de com­mu­ni­ca­tion et leurs voca­bu­laires abs­cons pour des non-initiés, découvre un uni­vers tota­le­ment inconnu. C’est drôle, pétillant, d’une grande jus­tesse de ton.

L’enquête de son héros sert aussi de pré­texte pour livrer nombre de réflexions cocasses, des ana­lyses per­ti­nentes de situa­tions concer­nant nombre de sujets tant socié­taux que rela­tifs aux indi­vi­dus, à leur fonc­tion­ne­ment. Mais il laisse entre­voir toute la cha­leur humaine de l’amitié, une fra­ter­nité construite pen­dant l’enfance et qui reste d’actualité. Il fait le pro­cès de ces agences d’HLM qui gèrent si mal le parc dont elles ont la res­pon­sa­bi­lité lais­sant des appar­te­ments vides depuis des années se dégra­der alors que la demande en loge­ment est forte.
Avec Le Charme des sirènes le roman­cier fait montre de beau­coup d’humour, mais donne une intrigue sub­tile, puis­sante, habile ser­vie par une gale­rie de per­son­nages hors normes, d’une capa­cité d’empathie prodigieuse.

serge per­raud

Gianni Bion­dillo, Le Charme des sirènes (L’incanto delle sirene), tra­duit de l’italien par Serge Qua­drup­pani, Édi­tions Métai­lié Noir, coll. “Biblio­thèque ita­lienne”, octobre 2017, 352 p. – 21,00 €.

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