François Augiéras & Jean-Gilles Badaire, Du Mont Athos — Lettres à Paul Placet

L’écor­ché extatique

Fata Mor­gana n’est pas pour rien dans la défense et illus­tra­tion de l’œuvre de Fran­çois Augié­ras. Les édi­tions ont pré­senté cer­taines œuvres peu après la mort de l’auteur (en 1971) : L’ Apprenti sor­cier  puis, au fil du temps, Le voyage des morts, Un ado­les­cent au temps du Maré­chalLes noces avec l’Occident, et son der­nier livre Domme ou l’essai d’occupation ainsi que d’autres extraits en écho avec des artistes : Jean-Gilles Badaire, Joël Leick, Mar­cel Loth ou Jean-François Bon­homme.
Celui qui ter­mina ses jours en rédi­geant Domme dans une grotte s’est auto-désigné non sans rai­son comme un bar­bare en Occi­dent. Il eut un grand amour : Fran­cesca Y Caroutch. Et un grand ami : Paul Pla­cet. En juin 1956, il lui adresse une pre­mière lettre  où il avoue une joie mys­tique, pre­mière, libre en réso­nance avec le Mont Athos. « Il y a chez moi une fata­lité de voyage et d’instabilité, d’autant plus grande que, met­tant le meilleur de ma vie dans mes livres ou dans la pein­ture, je ne perds rien en bri­sant tout der­rière moi » disait l’auteur. Néan­moins, il vivra dans ce lieu « habité »pen­dant cinq périodes, “mêlé aux ser­vi­teurs des moines, bûche­rons, mule­tiers, dans les bois, sur les sen­tiers, la nuit dans les métai­ries, une popu­la­tion dégue­nillée, brous­sailleuse”. Pen­dant ces épi­sodes, l’auteur pour­suit sa cor­res­pon­dance avec l’ami. Il y trans­pa­raît à vif comme tou­jours violent, fié­vreux, emporté qui n’hésita pas à trai­ter ce meilleur ami de « salaud ».

Placet a ouvert ces lettres au public grâce à George Monti (Le Temps qu’il fait) et Bruno Roy (Fata Mor­gana). Il n’a retenu qu’une par­tie des quelques 400 lettres qui lui ont été adres­sées. Et ici ne sont publiées que celles en rap­port au lieu d’élection qu’est le Mont Athos et qui pri­vi­lé­gient l’homme à l’œuvre. Ces lettres prouvent qu’Augiéras n’a rien ima­giné de ce qu’il a écrit. L’aspect décousu des lettres va bien à l’œuvre dans son ensemble. L’auteur y appa­raît tel qu’il est : avide de sen­sa­tions et n’épargnant – au besoin — per­sonne.
Au Mont Athos, il rêve de s’y ins­tal­ler voire de se conver­tir à l’orthodoxie. Mais il ne se ven­dra pas fût-ce à une mys­tique enca­drée. Il reste libre et peu capable d’établir des liens dans la durée. Ses rap­ports avec sa mère (aca­riâtre) n’y sont sans doute pas pour rien… Impla­cable, l’homme reste entier. Et face au Mont Athos il peut faire siennes autant une can­deur abso­lue qu’une intel­li­gence brû­lante capable d’extrapoler l’apparente naï­veté comme lorsqu’il jette des pétales en un geste sym­bo­lique envers un Dieu qui chez lui n’aura pas de nature ou de foyer sinon le cœur de celui qui ne cessa de chercher.

jean-paul  gavard-perret

Fran­çois Augié­ras & Jean-Gilles Badaire, Du Mont Athos — Lettres à Paul Pla­cet, Fata Mor­gana, Font­froide le Haut, 2017 — 13,00 €.

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