L’oeuvre de Marie Ducaté ( © Patrice Schreyer) sous ses multiples formes et matières reste la plus cohérente qui soit. Elle interroge l’histoire de l’art comme celle de l’artisanat et se développe à la jonction de plusieurs territoires. Tissu, mobilier, porcelaine, faïence, verre, faïence, soie ou bien sûr peinture tout est bon pour celle qui tient un rang majeur dans l’art et non seulement parmi les « décoratrices ».
Artiste polymorphe, elle est capable d’une créativité rare que ce soit avec ses « sourires masqués », ses « vases » déguingandés ou son démon dont on oublie les pantoufles pour ne retenir que la monstruosité ironique.
Exposition dans le Cloître de la chartreuse de la Lance, Concise, Suisse, jusqu’au 27 octobre 2017.
Entretien :
Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
Mon compagnon, puis, penser à ce que je vais peindre, ou lire, ou écouter.
Que sont devenus vos rêves d’enfant ?
Ils se sont réalisés, nager dans la mer, vivre dans une ville (Marseille) que j’aime avec ceux que j’aime, peindre ou dessiner ou modeler, partager mes convictions avec beaucoup d’amis, de gens.
A quoi avez-vous renoncé ?
A devenir chanteuse lyrique
D’où venez-vous ?
Du Nord de la France, de Lille
Qu’avez-vous reçu en « héritage » ?
L’amour de la nature, et des êtres vivants, humains (haha) y compris!
Qu’avez vous dû abandonner pour votre travail ?
Je n’ai pu trouver des partenaires industriels dans le verre, la céramique ou le tissu, pour le moment !
Un petit plaisir — quotidien ou non ?
Plusieurs : toujours les mêmes : lire, peindre.
Qu’est-ce qui vous distingue des autres artistes ?
Je ne me sens pas si distincte ! Surtout des jeunes artistes, que je rejoins par mon éclectisme pratiqué depuis toujours avec bonheur, le mixage et le métissage ont toujours été dans ma pratique et nous sommes nombreux maintenant !
Comment définiriez vous votre approche du vivant, de la couleur et de l’amalgame ?
Le vivant, est partout, il faut toucher beaucoup, des yeux et des mains et du corps. L’esprit suit. La couleur est peut-être le fil le plus solide de mon travail. L’ amalgame est un mot que je n’utilise pas, au contraire j’essaie d’aller vers la clarté, la simplicité, joindre sans dissoudre…
photo Patrice Schreyer : Calques peints et froissés, branches, détail d’après Giotto, Exposition dans le Cloître de la chartreuse de la Lance, Concise, Suisse, jusqu’au 27 octobre 2017.
Quelle fut l’image première qui esthétiquement vous interpella ?
Les femmes habillées de robes gitanes ou de flamenco quand j’étais très petite, m’enchantaient, je me suis beaucoup déguisée, enfant ! Le film de Walt Disney “Fantasia”
Et votre première lecture ?
Balzac, « Le Lys dans la Vallée ».
Quelles musiques écoutez-vous ?
Schumann, Bach, Schubert, indienne, Beatles, Steve Reich, Bério, Messiaen, PJ Harvey, Philippe Katrine, Nina Simone…
Quel est le livre que vous aimez relire ?
Je ne relis pas souvent mais les romans d’Arthur Upfield ou des poèmes d’Alejandra Pizarnik ou Emilie Dickinson, ou Ronsard.
Quel film vous fait pleurer ?
Les films d’Eric Rohmer.
Quand vous vous regardez dans un miroir qui voyez-vous ?
Une femme aux cheveux gris parfois songeuse parfois souriante, toujours coquette !
A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
A Eric Rohmer
Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
Rome.
Quels sont les écrivains et artistes dont vous vous sentez le plus proche ?
Gilles Deleuze, Balzac, Arthur Upfield, Matisse, Dufy, Marc Camille Chaimowicz, Fausto Melotti, Vanessa Bell.
Qu’aimeriez-vous recevoir pour votre anniversaire ?
Un champs d’agrumes.
Que défendez-vous ?
Les libertés, la nature, la justice, le partage.
Que vous inspire la phrase de Lacan : “L’Amour c’est donner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas »?
Je partage absolument le sens de cette phrase magnifique.
Que pensez-vous de celle de W. Allen : “La réponse est oui mais quelle était la question ? »
Un bon principe pour vivre ensemble.
Quelle question ai-je oublié de vous poser ?
Que voudriez-vous pour que l’art contemporain soit mieux partagé ? Que l’on réfléchisse à des économies autres que le marché de l’Art, à une plus grande place de l’artiste dans les médias, les écoles, les prisons, les médiathèques, à un droit de présentation proportionné au budget des expositions.
Entretien et présentation réalisés par jean-paul gavard-perret pour lelitteraire.com, le 5 octobre 2017.