Olivier Cadiot, Histoire de la littérature récente, Tome II

Olivier Cadiot, réa­lité et transparence

Le tome I d’ His­toire de la lit­té­ra­ture récente,  à tra­vers une suite de textes des plus libres et hybrides, explo­rait une  idée — clas­sique à chaque époque : la lit­té­ra­ture dis­pa­raît peu à peu. Il s’abritait (pour mieux la détruire) der­rière la phrase de Phi­lip Roth : « Dans trente ans, sinon avant, il y aura autant de lec­teurs de vraie lit­té­ra­ture qu’il y a aujourd’hui d’amateurs de poé­sie en latin ».
Le tome II explore aborde une autre idée reçue que Sten­dhal émet­tait lorsqu’il affir­mait « le roman est un miroir qui se pro­mène le long d’une route ». La lit­té­ra­ture devrait donc repré­sen­ter le réel. La ques­tion est aussi vaste que la lit­té­ra­ture elle-même. Mais Cadiot lui fait qua­si­ment rendre l’âme, pointe ses contra­dic­tions en mul­tiples tours et détours.

En sub­stance, Cadiot rap­pelle que celui qui écrit cherche à connaître moins le réel que l’écriture. Tou­te­fois, il ne s’agit pas d’identifier des indices for­mels mais de com­prendre com­ment cette incon­gruité que peut sem­bler la lit­té­ra­ture s’insinue dans le réel. Et d’analyser quelles sont les consé­quences pour un auteur de son rap­port au monde. Certes, la lit­té­ra­ture n’est pas un en-soi. Elle crée en avan­çant des masses de ques­tions sur l’auteur et le monde tel qu’il le « voit ». Ces ques­tions éludent l’interrogation fon­da­men­tale. A savoir, celle de son ori­gine. Poser le rap­port de la lit­té­ra­ture au réel revient donc à élu­der la nature de la pre­mière.
La « vraie » ques­tion reste, pour un auteur, de cer­ner quelque chose de juste dans son rap­port au monde. Par l’écriture se crée sa propre expé­rience du monde. Le réel n’est pas un en-deçà ou un au-delà de la langue : il est en elle. La lit­té­ra­ture n’est donc pas un miroir puisque ce der­nier lui est intrin­sèque au sein de fables pétries de régres­sions fusion­nelles, d’exaltations, de subli­ma­tions, voire de trous dans le réel.

L’objet de la lit­té­ra­ture n’est donc pas de repré­sen­ter le monde mais de se déga­ger de ce qui, du corps consti­tué de la langue, vient faire écran au réel. La lit­té­ra­ture n’est pas assi­gnée à une par­ti­tion pré­cise. Elle est moins psy­ché qu’arrachement aux repré­sen­ta­tions mortes ou mesu­rées afin d’ouvrir une nou­velle coa­les­cence à ce qui, faute de mieux, est nommé réalité.

jean-paul gavard-perret

Oli­vier Cadiot, His­toire de la lit­té­ra­ture récente, Tome II , P.O.L  édi­teur, Paris, 2017, 256 p. — 12,00 €.

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