Après sa série La Femme Idéale où Kourtney Roy présentait une série d’autoportraits afin de scénariser les stéréotypes kitsch qui engluent la femme selon des critères liés aux publicités et au cinéma des années 50 et 60, la photographe se déplace avec Sorry, No Vacancy dans un Texas proche de celui que révélait Wim Wenders. Il n’est pas sans rappeler celui du feuilleton célèbre de David Lynch et son scénario étranges mystérieux.
Perdues dans les espaces désertiques du sud-ouest du Texas, les narrations deviennent âpres. L’humour disparaît dans ce qui reste de décor au sein de cérémonies délétères de mises en abyme. Le jeu du réel et de la fiction imprime néanmoins une tentative de survie.
Ramenant à une picturalité reconnaissable, le cliché crée un dispositif d’interrogation « lynchéen ». Tout demeure en suspens dans de paradoxaux tableaux vivants. Les narrations plastiques des autoportraits créent des réactions aux dynamiques du réel en ce qui en est apparemment le plus éloigné mais qui charpente une critique subtile, poétique et charnelle du vivant.
L’image prend valeur d’aura et donne à l’œuvre sa paradoxale puissance.
Travaillant autant la lumière et les couleurs que la composition, l’artiste pousse plus loin les questions fondamentales de l’image. Si la “décoration” où elle situe son modèle garde une importance, chaque photographie recèle bien d’autres buts que l’ornemental. Chaque œuvre crée la fable de la présence et d’une dérive plus existentielle que géographique. Kourtney Roy reste la subtile architecte d’une identité en perte de repères.
L’artiste, en une avancée sourde ébauchée dans l’ornière des tabous et leurs stéréotypes, devient chasseuse et proie, à coups de morsures visuelles où se palpent le cauchemar et le songe.
jean-paul gavard-perret
Kourtney Roy, Sorry, No Vacancy, Galerie Catherine & André Hug, Paris, du 28 septembre au 28 octobre 2017.