Claudine Drai, Salon Privé du Grand Véfour (exposition)

« Renai-sens »

Clau­dine Drai pour­suit un tra­vail sur les liens entre matière et imma­nence, des­sin et sculp­ture, trace et dia­phane, appa­ri­tion et dis­pa­ri­tion. Pour y par­ve­nir, elle crée des peuples et des pay­sages en papier et soie blanche par­fu­mée. Dans une cor­res­pon­dance des sens et la trans­mu­ta­tion du monde, du tableau à la sculp­ture appa­raissent diverses uto­pies et illu­sions. Le corps n’est jamais un fan­tôme même s’il semble un reve­nant. Vir­gile sem­ble­rait presque la cau­tion d’un monde où les êtres n’ont pas qu’à bien se tenir, la main sur les cou­tures des pan­ta­lons tels de bons petits sol­dats. Chaque figu­rine est ange ou mes­sa­ger d’un infra-monde au sein de mul­tiples tra­ver­sées. En tom­bant vers le ciel, des jambes se dérobent — nul ne peut les attraper.

Le regard flotte en des lieux et des situa­tions dont le regar­deur devient l’otage. Il se peut même que des mulots volent dans le bec d’un fau­con et que le der­nier mot de telles nar­ra­tions plas­tiques soit : “Enfin”. Oli­vier Kaep­pe­lin voit juste lorsqu’il évoque les petits indi­vi­dus de ces « toiles-sculptures » : ils « ne meurent / pas, au contraire ils naissent de la / terre nour­ri­cière et s’émancipent ». Et l’artiste elle-même de mettre la main à la pâte poé­tique pour « jus­ti­fier » l’existence de telles créa­tures.
Elles ramènent à la propre his­toire de la plas­ti­cienne : “L’enfant ne se sépare pas du monde / Dehors il est papier, chif­fon / Il vient juste dire cet ins­tant qui passe / Quand il n’erre plus dans ses émo­tions / Elle n’a dans sa mémoire / Aucun nom de pou­pée, ni ours, ni peluche / Mais dans l’atelier / La pou­pée de papier est tom­bée sur le sol / ’Tom­bée, la pou­pée’ “. L’œuvre est donc là pour la ramasser.

C’est ce qui a tou­ché Guy Mar­tin. Adepte des saveurs hybrides, il a choisi l’artiste pour faire bien plus que modi­fier une par­tie du somp­tueux décor Second Empire du Grand Véfour. Clau­dine Drai récrée le salon du 1er étage qui accueillait jusqu’alors des gra­vures, des­sins et aqua­relles de Coc­teau, Colette, Fou­jita, Buf­fet et Cha­gall. Ses images en odeurs non seule­ment de sain­teté créent des pro­ces­sions. Elles deviennent dit encore Kaep­pe­lin « un rituel, ou une façon de / se pro­té­ger de manière col­lec­tive ». C’est comme si la biquette de la Légion riait avec ses loups. Et dans le blanc des œuvres les glaïeuls sont incen­diaires.
Ce qui est pro­posé n’est pas une simple vue de l’esprit puisque les sens sont en ébul­li­tion. Désor­mais, la robe d’une chi­mère y est repas­sée ou y saigne en blanc d’un mys­tère redou­table. Dans le lieu où il n’est pas inter­dit d’aimer Bal­zac et Bau­de­laire, l’artiste laisse des trous néces­saires au pas­sage au-delà des appa­rences. A nous d’ouvrir les yeux pour sai­sir leur grand invi­sible et appré­cier cette renais­sance visuelle et olfactive.

jean-paul gavard-perret

Le Grand Véfour 17 Rue de Beau­jo­lais, 75001 Paris

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