Sandrine Llouquet capture du réel tout en lui laissant une marge d’incertitude afin de laisser ouverte la question du paysage et celle de la narration plastique. Chaque de ses œuvres possède un caractère aussi impressionniste qu’expressionniste. Existe un aspect « montagne magique » par système de dépliement cérémoniel mais d’où jaillissent des pensées en abîmes par effet d’émotions sans doutes extatiques. Toutefois, elles ne sont qu’amorcées, suggérées. Il faut en conséquence se laisser porter par le surgissement de paysages ailés.
Se croisent et s’entrecroisent des harmonies telluriques et éthérées. L’anecdote se neutralise afin d’évoquer une essentialité des hauts espaces et leur dimension sensuelle et métaphysique.
De Sandrine Llouquet , « Chapitre 3: les 101 Grandes Déesses », Galerie Le Point commun, Cran-Gévrier, du 16 septembre au 4 novembre 2017.
Entretien :
Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
Mes filles Kim-Ly et Lou-Andrea. Puis le besoin d’apprendre et de faire.
Que sont devenus vos rêves d’enfant ?
Ils constituent une partie de ce que je suis maintenant. Ils se répandent aussi, je crois, depuis que j’ai débuté ma vie d’artiste, inconsciemment dans mes œuvres.
A quoi avez-vous renoncé ?
A l’oisiveté – mais j’y reviendrai surement dans quelques années quand mon corps sera plus fatigué.
D’où venez-vous ?
Vaste question… Généralement, la réponse que je donne a cette question dépend de l’endroit ou je me trouve ; quand je suis au Vietnam (ou je vis actuellement), je dis que je viens de France.
Qu’avez-vous reçu en « héritage » ?
J’ai du sang vietnamien et chinois et un nom catalan qui me vient de mon grand-père. Aussi un deuxième prénom qui veut dire « herbe sauvage d’automne ». Je ne sais pas si c’est la réponse attendue mais développer plus demanderait beaucoup de temps et de pages…
Qu’avez vous dû abandonner pour votre travail artistique ?
Rien de regrettable. Je pense que l’œuvre d’un artiste est aussi l’œuvre qu’est sa vie. Tout doit y être équilibré et assumé.
Un petit plaisir — quotidien ou non ?
Retrouver mes filles et mon compagnon le soir. Un verre de vin.
Qu’est-ce qui vous distingue des autres artistes ?
Tous les artistes, tous les humains sont différents les uns des autres. Quel serait votre portrait-type d’un artiste ?
Comment définiriez-vous votre approche du dessin ?
Mes dessins sont comme des notes de lecture que je prends puis que je réorganise. On peut aussi les comparer à des jardins ou l’œil serait comme un promeneur, invité à arpenter des chemins déjà tracés mais qui lui permettent de s’évader.
Quelle fut l’image première qui esthétiquement vous interpella ?
Je ne m’en souviens pas.
Et votre première lecture ?
Celle qui m’a profondément marquée est « Alice au Pays des Merveilles » de Lewis Carroll.
Quelles musiques écoutez-vous ?
Cela dépend du contexte, les musiques sont pour moi associées à des lieux, des personnes… Musique électronique, classique, électro-acoustique… Et quand je travaille, c’est soit en silence, soit en écoutant des podcasts.
Quel est le livre que vous aimez relire ?
« Le Gai savoir » de Nietzsche.
Quel film vous fait pleurer ?
Tous les films créés pour faire pleurer me font pleurer, même s’ils sont très mauvais. Puis je les oublie vite, comme après avoir épluché des oignons.
Quand vous vous regardez dans un miroir qui voyez-vous ?
J’ai peur des miroirs. Surtout quand ils sont dans l’ombre. Du coup, même en pleine lumière, j’évite de m’attarder devant mon reflet.
A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
Au Père Noël.
Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
Babylone.
Quels sont les écrivains et artistes dont vous vous sentez le plus proche ?
Je n’ai pas la prétention d’être proche ou semblable à eux, mais je suis fascinée par Nietzsche et Jung. Bizarrement, les artistes visuels me touchent moins que les écrivains.
Qu’aimeriez-vous recevoir pour votre anniversaire ?
Du temps — à répartir un peu sur chaque jour.
Que défendez-vous ?
L’équilibre dans tout, à toutes les échelles.
Que vous inspire la phrase de Lacan : “L’Amour c’est donner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas”?
Ce que j’aime chez les grands penseurs, c’est que leur pensée évolue avec le temps. De quelle période date cette citation ?
A part ça… que m’inspire cette phrase ? Personnellement, aujourd’hui je pense tout le contraire.
Que pensez-vous de celle de W. Allen : “La réponse est oui mais quelle était la question ?“
Elle résume parfaitement le Vietnam. Ici les gens ne disent jamais non.
Présentation et entretien réalisés par jean-paul gavard-perret pour lelitteraire.com, le 21 septembre 2017.