Peter Szendy, Le supermarché du visible. Essai d’iconomie

Le gain du perdre voir

Ne nous y trom­pons pas : l’emphase et une logo­ma­chie de mode n’empêchent en rien la bana­lité de cer­tains dis­cours. Pour preuve celui de Peter Szendy. Ce qu’il écrit est juste. Mais il ne fait qu’enfoncer des portes ouvertes . Sa seule ori­gi­na­lité, afin prou­ver que notre façon de per­ce­voir ou de perdre voir est « le pro­duit des rap­ports éco­no­miques et sociaux » (aux­quels nous pou­vons ajou­ter les poli­tiques), passe ici par une illus­tra­tion au moyen de pro­duits ciné­ma­to­gra­phiques. Lher­bier, Hit­ch­cock, Bres­son Anto­nioni, etc. nour­rissent une faconde quelque peu feuilletonesque. 

Peter Szendy pro­pose néan­moins une belle ana­lyse de Blow up  et une vision astu­cieuse de  à ceux . Mais sa thèse se limite à un codi­cille aux pro­pos par­fois conju­gués par­fois oppo­sés du pra­ti­cien Godard et de Deleuze. Le théo­ri­cien pro­cède via tous les phi­lo­sophes de la mar­chan­dises, depuis Marx en pas­sant par ce que Marie-Jeanne Mond­zain avait éta­bli dans  Image, icône, éco­no­mie.
Certes, le rhé­teur assure son contrat. Il illustre avec détails ce que toute image cache : à savoir la mise finan­cière qui la sous-tend. Mais il n’était même pas utile de l’illustrer par la fameuse séquence de
Tout va bien
 où Godard et Gorin effeuillent les dif­fé­rents chèques néces­saire à la concep­tion d’un « pro­duit » cinématographique.

Jouant d’un trans­fert constant entre le voca­bu­laire ciné­ma­to­gra­phique et éco­no­mique dans son tra­vail pro­cé­du­ral (« amor­tis­se­ment du regard » par exemple), l’auteur ne fait que rap­pe­ler ce qui est bien connu. L’ambition d’un « pur regard » dépend tou­jours d’une éco­no­mie. Et l’auteur de se piquer du terme de rem­pla­ce­ment « ico­no­mie » pour enfon­cer le clou. Le mot ne change rien à l’affaire.
Que toute fic­tion « soit le com­men­taire (finan­cier) de son propre tour­nage » (Ros­sel­lini) ou une pro­cé­dure qui se cache ne fait ici que ren­for­cer les pro­pos de pra­ti­ciens ou cri­tiques du sep­tième art. Et que l’argent soit l’envers de toute image n’est pas neuf. Le cinéma n’a fait qu’extrapoler ce que les peintres de la Renais­sance (entre autres) savaient déjà.

jean-paul gavard-perret

Peter Szendy,  Le super­mar­ché du visible. Essai d’iconomie, Edi­tions de Minuit, coll. « Para­doxe », Edi­tions de Minuit, Paris, 176 p. — 20,00 €.

1 Comment

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One Response to Peter Szendy, Le supermarché du visible. Essai d’iconomie

  1. Martin

    Cher Mon­sieur,
    Je vous cite :
    ”… Sa seule ori­gi­na­lité, afin prou­ver que notre façon de per­ce­voir ou de perdre voir est « le pro­duit des rap­ports éco­no­miques et sociaux ». J’avoue ne pas com­prendre votre phrase…
    Et, plus bas ;
    ”… depuis Marx en pas­sant par ce que Marie-Jeanne Mond­zain avait éta­bli dans Image, icône, éco­no­mie.“
    Si je puis me per­mettre, il s’agit de Marie-José Mon­dain…
    J’avoue (encore) avoir bien plus de plai­sir à lire Mon­sieur Szendy ! Comme cela fait bizarre de lire un article cri­tique aussi peu… écrit. Dom­mage, vous êtes pour­tant un grand Mon­sieur… ;-)
    Avec mes meilleures salu­ta­tions,
    P. M.

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