En guise de “final cut” à ses chroniques dans Le Monde, l’auteur de L’autofictif expédie un petit plaisir au moment où — après avoir sué sous le joug du travail imposé — il éprouve une sorte de nostalgie du travail accompli.
Pas d’émotion cependant mais le rire et ce, en fidélité à ce pourquoi il était payé dans le journal du soir.Eric Chevillard était fait pour un tel exercice. Les lecteurs, babas de blagues nonsensiques du Babar incisif et ailé capable de remettre à leur place les goitres de certaines gloires, le lisaient même sans faim, nus sous la pluie ou habillés sous sa douche — à moins que ce ne soit le contraire — tant ils étaient fascinés par les prospérités du vice de ce Prosper spécialiste des “yop là boum” chers à Maurice Chevalier.
Un de ses lecteurs devient même le héros d’un livre. Mais à l’impossible, nul n’est tenu. Il est lui-même auteur : pas forcément des meilleurs mais non des pires. Comme Beethoven à la fin de sa vie il n’est pas sûr qu’il entende voler un Mirage 2000. Mais la comparaison avec le génie s’arrête là. Chevillard a d’autres chats à fouetter. Il rame au milieu d’un roman fictif Gondoliers avec bien des ponts de soupirs pour ce succédané des succès damnés qu’il eut à chroniquer.
Preuve que ce B®ouillon de culture est bien sympathique. Il est le digne « alter écho » de celui qui, à travers lui, fait la synthèse de toute une critique : celle qui, en six années, ne fut jamais de son style et dont il dresse le portrait inversé. Le chroniqueur styliste reste plus proche d’un Dubillard à trois bandes que des Jeambar (façon Denis) de la littérature
Chevillard presse ici les derniers fruits de son labeur. Une fois la table retirée, sa fiction sert d’agréable pousse-café. A l’addiction fait place l’addition que nous passe le garçon. Elle est plus qu’honnête eu égard au temps passé en sa compagnie. Qu’il vaque désormais vers d’autres défenses : tel un éléphant, il erre déjà sans doute d’autres magasins de porcelaine.
jean-paul gavard-perret
Eric Chevillard, Défense et illustration de Prosper Brouillon, Editions Notabilia, 2017, 104 p. — 14,00 €.
Pour moi, j’attends le (grand) remplaçant Claro. Eric Chevillard ? Bon débarras !…