Le livre d’Annie Cohen-Solal a beaucoup vieilli. D’autant que cette étude historique de l’avènement des peintres américains se contente souvent de peu. S’en tenant à l’apparente « objectivité » factuelle, l’historienne ne sent pas toujours ce qui se cachait dessous.
Sa vision se limite à une sorte de western bien terne et dichotomique entre l’ancien monde et le nouveau.
Un tel registre peut séduire ceux qui ne connaissent que de loin les enjeux de la peinture. Certes,l’essai a le mérite de montrer comment le transfert s’est produit entre – et pour faire simple – Paris et New-York. Mais l’ensemble demeure soit anecdotique soit trop général et victimaire (d’un côté comme de l’autre) et fait l’impasse sur le travail des oeuvres.
Le livre est donc à recommander pour une propédeutique rapide et générale. Mais l’histoire de l’art ici n’avance guère. Entre autres la question « A qui appartient le beauté ? » piétine. Les dissymétries des savoirs, des marchés comme les enjeux esthétiques restent dans un flou en une vision qui prête à polémique.
L’idée qu’on puisse posséder la beauté, l’idée d’une appartenance nationale comme de la valeur universelle d’une œuvre reste ici une peau de chagrin. La réelle circulation de l’art ne demeure qu’esquissée. Celle de la « translocalisation » aussi. Il serait donc temps d’ouvrir l’histoire de l’art à une autre vision moins nationale et avec une tolérance à l’ambiguïté, les revers et les polyphonies qui défient une tradition historiographique à l’emporte-pièces.
Jean-Paul Gavard-Perret
Annie Cohen-Solal, Un jour, ils auront des peintres, Folio, Gallimard, coll. « Histoire », 2017, 688 p. — 11,90 €.