Historienne d’art à l’origine, Clémentine D. Calcutta ne cesse de parcourir le monde mais vit et travaille à Paris. Curieuse et passionnée par les univers underground, elle est toujours à la recherche des artistes de l’ombre pour lesquels le corps est au centre des préoccupations. Elle a travaillé au sein de collections privées et des institutions renommées et demeure la journaliste artistique (dans “BoumBang” par exemple) capable de défendre sans fausse pudeur les arts érotiques où le corps et la femme sont des sujets d’étude récurrents.
La créatrice cherche à faire de son existence une poétique de la vie urbaine et de ses secrets. Tatouée sur canapé n’est pas un simple. Certes, elle entretient avec ce « body-language » une histoire qui, dit-elle, commença « à mes 25 ans, peu de temps après le début d’une analyse, loin des spirales de technophiles que j’aurais voulu faire tatouer 10 ans plus tôt. » Ce livre est donc une sorte de « mémo » poétique. Pour l’écrire, elle s’est servie de ses carnets intimes. Elle en a tiré pour cette publication un condensé où « je livre ici le plus secret et naturel d’entre eux : mon corps », précise-t-elle.
Le tatouage fut pour elle une manière d’exprimer en « pillow book » ses souffrances latentes. Cette addiction aux images sur la peau fut pour elle « la plus saine et « douce » que je n’ai jamais eues ». Elle lui permis en perforant son corps d’ouvrir son esprit. Le tatouage possède pour elle une dimension « morale et magique (…) pour supporter le passé et illuminer l’avenir ».
Le lecteur comprend le besoin qui anime aujourd’hui tant de jeunes femmes ou hommes. Cette carapace n’a rien d’une mièvrerie. La ou le tatoué sait qu’il existe en un tel acte un engagement existentiel. Il joue le rôle de confidence « empreintée» que reprend ce livre fétiche. Le texte montre ce que l’être humain cache le plus souvent et que la créatrice ose par ses prises de risque. Être de chair, Clémentine D. Calcutta ne manque pas d’une mystique mais exprime tout autant la force du corps en des rapts figuratifs. Et bien des tentations.
Elles n’ont rien de périphériques et se dégustent. Le lecteur ne deviendra pas pour autant voyeur même si l’auteure ne cache rien. Il restera peut-être les mains pleines de caresses, tel un amant blanc de la femme en noir. L’enfer ou le Paradis lui lèche le regard. Mais existe surtout une suite de « tableaux parisiens » dignes de Baudelaire, un théâtre d’heures qui se voudraient éternelles. Des seins soyeux remontent un mystère endormi. Dès que s’en époussette la poussière de la rue s’offrent des réponses aux questions que la pudeur n’empêche jamais ici de poser.
jean-paul gavard-perret
Clémentine D. Calcutta, Tatouée sur canapé, Editions Dystopic, coll. « Ergo Sum », Paris, 2017, 80 p. — 10,00 €.