H. G. Wells a écrit ce roman d’anticipation et de fantastique à l’âge de trente ans, en 1896. Ce livre se situe entre La machine à explorer le temps (1895) et L’Homme invisible (1897). À travers ce roman d’action et d’aventure, il interroge les différences entre nature humaine et nature animale. Ce genre de questionnement était très régulier à l’époque, les travaux de Darwin étant relativement récents. Son célèbre ouvrage De l’origine des espèces avait été publié en 1859.
Wells s’interroge aussi sur les expérimentations scientifiques à but médical. Jusqu’où celles-ci peuvent-elles aller sans franchir des limites intolérables ? Pourtant, les manipulations génétiques imaginées par le romancier se concrétisent aujourd’hui avec des croisements donnant des animaux hybrides. Ces croisements, s’ils peuvent être provoqués par la nature, sont essentiellement dus à l’homme, comme, par exemple, le ligre, le croisement entre une tigresse et un lion. Cependant, sauf au fond de laboratoires secrets, les mutations envisagées par H. G. Wells, comme le fait de donner une capacité humaine aux animaux, leur faire perdre par leurs instincts, restent de la fiction.
Après un naufrage, Edward Prendick dérive dans un canot, attendant la mort. Il est recueilli sur un petit caboteur et soigné par Montgomery, un médecin qui se trouve à bord. Quelques jours plus tard, il est témoin d’une dispute entre le capitaine et le médecin, celui-ci protégeant un homme à l’étrange visage. La cargaison se compose de cages renfermant des animaux sauvages. Après le transbordement, en vue d’une île tropicale, quand le caboteur s’éloigne, Edward sort de sa cabine et se fait jeter à la mer par l’équipage. Il est recueilli une seconde fois par son sauveur bien que celui-ci ne soit pas certain que ce soit raisonnable. Les cages sont déchargées par des êtres encapuchonnés dont on ne voit pas la physionomie. Montgomery, quant à lui, fait un lâcher de lapins.
Ils sont reçus par un homme mécontent de l’arrivée de ce visiteur inattendu. Edward reconnaît Moreau. Il y a une dizaine d’années, c’était un fameux physiologiste que des expériences médicales contestées ont mis au ban de la société scientifique londonienne. Il le fait installer à l’écart, jugeant qu’il est un trop tôt pour le mettre dans la confidence. Plus tard, Edward entend des cris choquants venant de l’autre côté de la cloison. Il décide de partir à la découverte de l’île. C’est ainsi qu’il découvre au bord d’un ruisseau, lapant l’eau, un être mi-homme, mi-animal. Décidé à en avoir le cœur net, il enfonce la porte et surprend le docteur en pleine vivisection. Il s’enfuit mais Montgomery le poursuit avec une paire de molosses…
Avec cette aventure qui se déroule dans une île, à l’écart des routes maritimes, l’auteur développe en un huis clos une confrontation entre deux scientifiques et un individu que ces transformations révoltent. Dobbs retranscrit avec talent la pensée profonde du roman, les idées émises par l’auteur. Il est, toutefois, obligé pour respecter le format de la série, de couper, de faire plus court que le romancier. Fabrizio Fiorentino avec son dessin réaliste donne des scènes de fuites, de poursuites extrêmement dynamiques. Mais il n’hésite pas à montrer les phases des mutations, les mutilations, le sang… Il dévoile, avec brio, le résultat de celles-ci avec ces êtres hybrides, transformés.
Cet album offre une excellente synthèse du roman de Wells, reprenant l’essentiel de l’action et de l’esprit. La mise en page et en images donnent un complément remarquable. La présentation très soignée de l’album donne une plus non négligeable.
serge perraud
Dobbs (scénario d’après le roman de H. G. Wells), Fabrizio Fiorentino (dessin) & Matteo Vattani (couleur), L’Île du Docteur Moreau, Glénat, coll : “HG Wells collection”, juin 2017, 56 p. – 14,50 €.