Christophe Dickès, L’héritage de Benoît XVI

Le pon­ti­fi­cat de l’avenir

Que reste-t-il du pon­ti­fi­cat inter­rompu de Benoît XVI ? Doit-on n’en rete­nir que les polé­miques et les attaques qui pilon­nèrent un pape que les médias détes­tèrent dès son élec­tion ? Ou n’est-il pas temps de por­ter un pre­mier regard objec­tif sur l’œuvre d’un homme, d’une rare puis­sance intel­lec­tuelle, qui tenta pen­dant les huit années de son règne une res­tau­ra­tion litur­gique et doc­tri­nale ?
Chris­tophe Dickès tente, avec jus­tesse et mesure, de dres­ser les contours de l’héritage de Benoît XVI dans un essai très éclai­rant. Loin de le rabais­ser à un pon­ti­fi­cat de tran­si­tion (ce que devait être aussi celui de Jean XXIII…), il com­pare le règne du pape alle­mand à celui des grands réfor­ma­teurs de l’Eglise comme Léon le Grand ou Gré­goire VII.

Il fut en effet le pre­mier à enga­ger avec force la lutte contre la pédo­phi­lie des prêtres, héri­tage des années 1970 et de la géné­ra­tion « libé­rée ». L’exercice de son pou­voir se fit dans le sens d’une réelle col­lé­gia­lité, ce qui n’étonne pas chez cet homme timide et sen­sible. Une fois sur le trône de Saint-Pierre, Benoît XVI mit en œuvre une véri­table res­tau­ra­tion litur­gique, lui qui savait depuis long­temps ce que la crise de la foi devait à la dés­in­té­gra­tion de la litur­gie. Avec lui, les céré­mo­nies pon­ti­fi­cales retrou­vèrent une belle et grande dignité, avec une « dimen­sion quasi monas­tique, res­pec­tueuse et solen­nelle ».
On découvre aussi un sou­ve­rain pon­tife qui ne crai­gnit pas la confron­ta­tion. Le dis­cours de Ratis­bonne qui cher­chait à mettre l’islam devant ses res­pon­sa­bi­li­tés et la tem­pête qu’il sus­cita mais aussi le rap­pro­che­ment avec la Rus­sie de Pou­tine illus­trent une volonté d’aller à contre-courant. 

Car c’est bien là le cœur du pon­ti­fi­cat. Benoît XVI affirma encore et tou­jours la néces­sité d’assumer son iden­tité chré­tienne et l’héritage qui en est issu. Il ne cessa de le répé­ter aux Euro­péens qui, en jetant le chris­tia­nisme par-dessus bord, tuent leur propre iden­tité et s’enfoncent dans les ténèbres. Quant aux jeunes, qu’il fit entrer dans un silence d’adoration trans­cen­dant lors des JMJ de Madrid, il leur pro­posa une contre-culture construite autour des fameux « points non négo­ciables ». On pour­rait d’ailleurs se deman­der s’ils le sont tou­jours avec le pon­ti­fi­cat actuel qui fait preuve d’un auto­ri­ta­risme bien éloi­gné de la dou­ceur rat­zin­ge­rienne et anni­hile les efforts de res­tau­ra­tion litur­gique.
Benoit XVI, on le sait, a renoncé à sa charge, créant du coup un sta­tut nou­veau, celui de pape émé­rite, de pape consa­cré à la prière. Un révo­lu­tion­naire jusqu’au bout !

Un livre comme celui de Chris­tophe Dickès est abso­lu­ment capi­tal car, espérons-le, il per­met­tra de mieux com­prendre cet homme qui ne mérita pas les tom­be­reaux d’injures jetés sur lui. C’est d’autant plus néces­saire que le culte de la per­son­na­lité autour du pape Fran­çois, adulé par tous les enne­mis de l’Eglise, conti­nuera pen­dant long­temps d’obscurcir ces huit années fon­da­men­tales dans l’histoire.
« Il est venu parmi les siens, dit l’Ecriture, et les siens ne l’ont pas reçu. »

fre­de­ric le moal

Chris­tophe Dickès, L’héritage de Benoit XVI, Tal­lan­dier, sep­tembre 2017, 252 p. — 19,90 €.

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