La Colonisation et ses dégâts…
Dans ce premier album de la trilogie, Sylvain Runberg plante le décor, définit un cadre que l’on pourrait résumer ainsi : une policière paie le prix lourd pour une bavure. Condamnée, elle considère être toujours du côté du droit, n’avoir rien de commun avec les criminels qui l’entourent. Mais, pour survivre, après deux ou trois grosses alertes, il lui faut vite intégrer un groupe, presque n’importe lequel. Avec On Mars, le scénariste aborde la société carcérale, imaginant en 2132, un régime politique plus répressif, faisant régresser les libertés individuelles.
C’est ainsi que la bavure commise par l’héroïne, qui entraînerait aujourd’hui, en France, une condamnation avec sursis, l’envoie au bagne martien. Il faut noter que les Etats adaptent la politique judiciaire en fonction des besoins. Dans le présent récit, il faut une main d’œuvre gratuite pour bâtir les futures cités. Quand il fallait pallier au manque de bras, que l’esclavage n’était plus permis, les peines les plus légères envoyaient des rameurs aux galères. Les nazis déportaient massivement pour une main d’œuvre corvéable…
Outre le thème carcéral, le scénariste aborde la religion comme agrégat des ressentiments, comme lien d’une communauté et la conquête spatiale dans ses objectifs et ses dérives.
Un médecin termine la pose d’un implant respiratoire sur Jasmine Stenford, une jeune femme, qui rejoint péniblement un groupe déjà traité. On annonce une arrivée imminente : ce sont ceux de la colonie qui prendront le relais lors de leur débarquement dans le plus grand camp de travail de l’univers, sur Mars. L’équipe de direction se félicite de la publication d’un article encensant leur mission, alors que d’autres font état d’un taux de mortalité élevé et posent la question de l’utilité de transformer Mars pour que cette planète devienne l’habitat de l’espèce humaine.
Les compagnons de chambrée de Jasmine veulent connaître les raisons de sa condamnation. Elle refuse de parler et il s’ensuit une bagarre. Elle faisait partie d’une unité de police à Londres. Lors d’une intervention contre des réseaux de trafic de stupéfiants, elle a tué la fille du ministre de l’Industrie britannique, le chef d’une des familles les plus puissantes du Royaume-Uni. Elle a récolté vingt ans d’exil dans les pénitenciers martiens. Son passé de flic va la désigner comme une cible pour nombre de déportés.
Un de ses compagnons de chambre recrute pour une église. Des tentatives de sabotage sont découvertes. Et la mort rôde venant des conditions de travail comme des groupes aux intérêts divergents…
La mise en images et en pages revient à Grun qui réalise un graphisme impressionnant. La conception en équipe entre l’illustrateur et le scénariste donne des résultats remarquables. Lorsqu’il fait part à Sylvain Runberg de son envie de dessiner la planète Mars, celui-ci réalise en deux semaines un synopsis. Le crayon de Grun se déchaîne et avec un paquet de planches d’esquisses, de propositions graphiques tant pour les décors que pour les personnages, il rencontre l’auteur. Ils construisent, alors, en fonction des idées de l’un et de l’autre.
Le défi consistait surtout à rendre crédible un chantier martien avec des cités-bulles enfouies pour résister aux violentes tempêtes. Proposant une galerie étoffée, variée, de personnages au passé plus ou moins lourd mais aux projets, aux motivations opaques, Grun offre à Sylvain Runberg des possibilités de développement de l’intrigue. Sa technique de mise en couleurs donne des résultats spectaculaires. Un cahier graphique de 22 pages complète un album d’une présentation de belle qualité.
Ce premier tome de On Mars est une réussite totale tant scénaristique que graphique. À suivre avec attention et… impatience.
serge perraud
Sylvain Runberg (scénario) & Grun (Dessin et couleurs), On Mars - 01 : “Un Monde nouveau”, Editions Daniel Maghen, août 2017, 80 p. – 16,00 €.