Henri Brunel, Nouveaux contes zen

Ces pages invoquent la porte sans porte du koan zen, ce caillou, cet arbre, qui s’ouvrent sur l’infini et au-delà

Ça ne com­mence pas, ça ne finit pas, qu’est-ce que c’est ?

Non, ce n’est pas mon article sur les Nou­veaux Contes Zen, bien que cer­tains aient pu y son­ger vu le retard accu­mulé par rap­port à cet ouvrage. Enfin, après de telles lec­tures, je peux tou­jours arguer de la rela­ti­vité des choses, de la beauté du temps qui passe et de la per­fec­tion intrin­sèque de toute calen­drier, même celui-ci.

C’est que le zen est sur­pre­nant, qua­lité posi­tive quand on existe depuis si long­temps, mais que l’on s’avère suf­fi­sam­ment dif­fi­cile à remar­quer au cœur de toute chose pour faire naître des voca­tions de médi­tants et ins­pi­rer des contes…

Les mor­ceaux choi­sis par Librio pour com­po­ser ce recueil sont extraits de trois ouvrages de Henri Bru­nel : Les Plus Beaux Contes zen, La Grue cen­drée et Le Bon­heur zen. Peut-être est-ce pour cette rai­son que sans plus d’introduction, le lec­teur pénètre direc­te­ment dans la dimen­sion mys­tique du conte. Pour­quoi devoir com­men­ter ou même expli­quer une démarche qui s’exprime plu­tôt dans la forme poé­tique, l’allégorie ? Foin de com­pli­ca­tions intel­lec­tuelles qui alour­di­raient les ailes de cette phi­lo­so­phie lumi­neuse de simplicité.

Les fables ici racon­tées sont plus ances­trales qu’intemporelles, mais elles révèlent cha­cune à leur manière une sub­ti­lité de l’existence qui concerne l’humain moderne. Une his­toire d’éléphanteau royal, des dra­gons, des hommes, du bam­bou, du soleil et du vent, la nature comme cadre de la révé­la­tion. Ces quelques pages sont écrites pour invo­quer la porte sans porte du koan zen, ce caillou, cet arbre, cette parole qui s’ouvrent sur l’infini et au-delà.

Comme ces novices qui s’interrogent et argu­mentent sur la nature du mou­ve­ment de la ban­nière à l’effigie de Boud­dha faseyant dans le vent : “est-ce la ban­nière ou le vent qui bouge ?”, le lec­teur com­prend par­fois que c’est son esprit qui s’agite.

Le zen est un che­min qui va…

Il y a dix, cent, mille entrées, pour accé­der à la “conscience de soi spi­ri­tuelle”, à la “vision zen”. J’en ai dans ce livre exploré quelques-unes. Pre­nez celle que vous vou­drez : La plus simple, la plus drôle, la mieux fleu­rie, la plus proche, l’exotique, l’extraordinaire… Elles mènent toutes à la paix, au bon­heur zen.

Un bémol mal­gré tout : les femmes tiennent ici des rôles conven­tion­nels : mère, femme, épouse, jeune pro­mise éplo­rée… Où sont les Tara épa­nouies, les Bod­hi­sattva du beau sexe ? Si le zen dépasse les cli­vages, on peut regret­ter que la plu­part des contes pro­po­sés soient écrits au mas­cu­lin, comme si la trans­cen­dance ne concer­nait qu’une moi­tié de l’humanité. Seule une Jeune nonne très sin­gu­lière uti­lise son éner­gie fémi­nine pour sus­ci­ter l’Eveil autour d’elle. Si on dit par­fois, avec un sou­rire, que les femmes sont déjà sublimes, c’est insuf­fi­sant pour ne pas regret­ter leur absence dans cette quête d’essence. La règle monas­tique qui inter­di­sait aux moines tout contact et tout com­merce avec les femmes me semble une entrave à l’empathie ins­tan­ta­née et exta­tique de la vision zen.

Tat tvam asi

Du Népal au Japon, les Nou­veaux contes zen puisent aux sources tra­di­tion­nelles pour éveiller le lec­teur, pour l’amener du rela­tif à l’absolu. Un ouvrage tout en finesse à glis­ser entre le DVD de Fight Club et un remix de Patrick Juvet comme cadeau aux confins des extrêmes et au cœur du transcendant.

stig legrand

Henri Bru­nel, Nou­veaux contes zen, J’ai Lu coll. “Librio”, mars 2003, 95 p. — 1,52 €.
ISBN : 2–290-33183-X

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