Johan Heliot, Le Grand Siècle — Livre 1 : “L’Académie de l’Ether”

Une belle uchro­nie scientifique

Johan Eliot situe le début de son récit lorsque celui qui devien­dra le Roi soleil com­mence à échap­per à l’emprise de Maza­rin qui assura, avec la reine Anne d’Autriche, la conduite du royaume après la mort de Louis XIII. Bien que poli­ti­cien retord, il foca­lise sur sa per­sonne la haine de la quasi-totalité de la popu­la­tion ayant aussi ten­dance à confondre le tré­sor de du royaume avec le sien. (Ah ! s’il était le seul, comme la France serait riche !).
L’auteur s’appuie sur deux axes nar­ra­tifs. Celui de la famille Caron, ses aven­tures et sa dis­per­sion et le par­cours de la sphère avec Bap­tiste. Ces deux axes vont se croi­ser, s’entremêler avec l’arrivée dans le récit de Blaise Pas­cal. Un Blaise Pas­cal, grand scien­ti­fique, fas­ciné par les pers­pec­tives offertes… La gale­rie des per­son­nages est conçue pour explo­rer les prin­ci­pales couches sociales de la Cour royale à celle des Miracles, des milieux ouvriers à celui des grands bour­geois… L’auteur détaille le contexte social et poli­tique, don­nant sur la Fronde des indi­ca­tions tant sur les par­ti­ci­pants, les sources que les sou­bre­sauts. Un rythme sou­tenu conduit un récit où le roman­cier joue avec une alter­nance rapide des points de vue.

La misère est grande dans les Marches de Lor­raine. La fra­trie Caron trouve son père pendu. Sur un billet som­maire, il lui demande de se rendre chez un oncle de sa mère, imprimeur-libraire à Paris.
Bap­tiste Richer, Lieu­te­nant de fré­gate sur La Superbe, assiste à l’arrivée d’une étrange sphère dans l’océan. Il pense se l’approprier pour la pré­sen­ter à une savante assem­blée, voire à la cour royale. Arrivé à Brest, il force le coffre où le capi­taine a enfermé la boule et part pour Paris. Les cinq enfants quittent la ferme où ils ont si pau­vre­ment vécu et se mettent en route. Ils font une mau­vaise ren­contre que l’aîné, armée de sa cognée, réduit à l’impuissance. Sur la route, Bap­tiste est pris d’un malaise sou­dain. Il voit des myriades d’étoiles et perd connais­sance.
L’UEC (L’Unité d’Exploration Conscien­ti­sée) s’est lais­sée sur­prendre et a dû com­pi­ler les pro­grammes encore fonc­tion­nels dans une modeste unité de sur­vie. Celle-ci recherche de l’aide dans les res­sources locales. Mais l’interface orga­nique car­bo­née n’a pas sup­porté le mes­sage visuel. À Paris, l’oncle n’est pas heu­reux de voir arri­ver cette famille dont il igno­rait l’existence. Il accepte fina­le­ment de les héber­ger si les enfants rendent des ser­vices et si l’aîné, comme il le pro­met, apporte régu­liè­re­ment de la nour­ri­ture.
Maza­rin, pour dis­traire le jeune Louis XIV, lui pré­sente Bap­tiste et sa boule. Le contact avec cette der­nière est immé­diat. Bap­tiste et sa sphère ne quittent plus Louis qui rêve de supré­ma­tie euro­péenne pour son royaume et veut se lan­cer dans la conquête de l’Éther…

Et si…, comme l’imagine Johan Heliot, le roi Louis XIV avait pu béné­fi­cier d’une aide aussi pré­cieuse, nul doute qu’il aurait fait le néces­saire pour impo­ser La France au som­met de l’Europe scien­ti­fique. Quelle serait la situa­tion actuelle et quel visage aurait la société ? Trop sou­vent les auteurs de ce domaine par­ti­cu­lier de la science-fiction partent d’une vic­toire du Troi­sième Reich ou d’un Napo­léon vain­queur à Water­loo. Ici, l’auteur retient pour axe divergent une mys­té­rieuse sphère, bou­teille à la mer d’une civi­li­sa­tion plus avan­cée tech­no­lo­gi­que­ment.
Le Grand Siècle, ainsi nommé par les his­to­riens, désigne en fait une période qui s’étale du règne d’Henri IV à la mort de Louis XIV. Sur cette durée, la France domine et marque dura­ble­ment l’Europe par son expan­sion mili­taire et par son influence cultu­relle dans les arts, la mode, la langue et la lit­té­ra­ture. La Fronde, qui dura cinq ans, se divise en deux avec, au départ, une oppo­si­tion par­le­men­taire puis la révolte des princes menée en par­ti­cu­lier par Condé, le cou­sin de Louis (Ah ! La famille !).

Avec ce pre­mier volet de Grand Siècle, Johan Eliot offre une superbe uchro­nie où l’Histoire et les sciences se fondent.

serge per­raud

Johan Heliot, Le Grand Siècle — Livre 1 : “L’Académie de l’Ether”, Mné­mos, mai 2017, 304 p. – 19,00 €.

Leave a Comment

Filed under Science-fiction/ Fantastique etc.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>