Le « don » de Gael Octavia tient à la capacité d’ouvrir l’espace dans un lieu relativement fermé d’un quartier. Contre la destruction et la cruauté, quatre femmes – fort différentes – créent une communauté sinon inavouable du moins improbable. Chez elles, la violence plus psychologique que physique n’est pas absente.
Néanmoins, elles offrent un démenti à la réalité cruelle qu’elles ne cessent de faire et défaire afin de l’amortir. Les femmes sortent d’un chaos face à divers assauts destructeurs. Elles ne se contentent pas d’endurer. Quoique entravées – du moins pour certaines d’entre elles –, elles refusent de s’y accommoder.
Gael Octavia combat bien des présupposés par des sortes d’indiscrétions à l’égard de l’indicible et par l’exaltation d’un langage qui rompt et tranche avec toute une tradition souvent présente dans les « continents noirs ». Existe quelque chose de dur et de rude voire de dévastateur dans un choc non incantatoire : l’auteur préfère une sorte de vibration. En jaillissent une douceur et une furie qui expriment une révolte face à divers types d’intolérances.
Les héroïnes espèrent confusément un de ses « misérables miracles » chers à Michaux. Le livre devient en conséquence celui de divers passages. Les femmes prennent la parole pour que le « je » féminin hagard et inapprochable trouve une proximité parfois conflictuelle mais surtout essentielle rarement vue et connue dans la littérature. Un tel livre « dit » ce qui s’exprime trop rarement.
jean-paul gavard-perret
Gael Octavia, La fin de Mame Baby, Gallimard, collection Continents Noirs, Paris, 2017.