Hervé Gagnon, Damné, tome 1 “L’héritage des Cathares”

Ah, si les Cathares

En 1185, l’enfant qui nais­sait avec la peau du pla­centa sur le visage était consi­déré comme mau­dit, appor­tant le mal­heur par­tout où il pas­se­rait.
Gon­de­mar est le fils tar­dif de Florent, le sei­gneur de Ros­sal. Ce der­nier est un homme bon qui par­tage la misère de ses cerfs. L’enfant gran­dit seul, en bute aux moque­ries, insultes, bri­mades et mépris. Un pré­di­ca­teur iti­né­rant le désigne, aux yeux de tous, comme une âme per­due, un damné.
Une bande d’enfants le cap­ture et l’enterre vivant dans une fosse creu­sée à cet effet. Il est sauvé de la mort par Per­nelle, une gamine laide, boi­teuse et malingre, éga­le­ment reje­tée. Ils unissent leur soli­tude et par­tagent la cha­leur de l’amitié.
Le vil­lage est atta­qué par une bande de bri­gands menée par Onfroi. Ils pillent, violent Per­nelle sans que Gon­de­mar, main­tenu au sol, ne puisse inter­ve­nir. Trau­ma­ti­sée, elle le repousse. Il rede­vient, à ses propres yeux, un mau­dit.
Son père prend conscience qu’il faut défendre Ros­sal par les armes. Il recrute un ancien sol­dat qui éduque Gon­de­mar. Peu à peu, celui-ci devient un guer­rier redou­table qui défend avec effi­ca­cité la sei­gneu­rie. Devenu un être sans pitié, sûr de lui, il tombe dans un piège tendu par Onfroi, ivre de ven­geance, qui le tue.

Mais le des­tin de Gon­de­mar ne s’arrête pas là. Il revient des enfers avec une mis­sion : trou­ver la Vérité et la défendre. Pour seul indice, il sait qu’il doit aller vers le sud. Il se retrouve vers le pays cathare où Simon de Mont­fort entame sa croi­sade contre les hérétiques.

Hervé Gagnon intro­duit, dans cette pre­mière par­tie du par­cours de son héros mau­dit, un nombre impres­sion­nant de situa­tions, de réflexions, de péri­pé­ties. Il entre, immé­dia­te­ment, dans le vif du sujet. Il décrit l’exclusion, le rejet dans une petite com­mu­nauté. Il montre com­ment se fixe, peu à peu, dans l’esprit de l’enfant, de l’adolescent, le fait qu’il est dif­fé­rent, qu’il est né pour appor­ter le mal­heur. C’est une malé­dic­tion dont il ne se sent pas res­pon­sable. Ancrée, celle-ci condi­tionne natu­rel­le­ment son atti­tude. Cepen­dant, cette vio­lence est tem­pé­rée, presque anni­hi­lée, pen­dant la période où il par­tage une com­pli­cité avec Per­nelle. C’est lorsque cet équi­libre se rompt que la ven­geance s’impose. Comme sa posi­tion et l’éducation récente lui en donnent les moyens…
L’auteur pro­pose une des­crip­tion inté­res­sante de cette évo­lu­tion ponc­tuée de péri­pé­ties et de rebon­dis­se­ments dramatiques.

Le récit prend une nou­velle tona­lité éso­té­rique avec le pas­sage du héros par les enfers, puis sa nou­velle des­ti­née, devoir pro­té­ger la Vérité. Hervé Gagnon reprend alors le thème du secret qui doit, coute que coute, res­ter ignoré car sa révé­la­tion détrui­rait les fon­de­ments de la civilisation.

Le roman­cier dépeint toute l’importance, le poids du cli­mat reli­gieux qui baigne cette époque. La reli­gion exploite l’ignorance des popu­la­tions, la pro­pen­sion qu’à l’Homme à déve­lop­per des super­sti­tions, pour impo­ser la sienne.

L’auteur mène un récit attrayant, inté­grant de façon adroite tous les élé­ments du roman d’aventures his­to­riques.
Certes, on peut se dire que si les Cathares, les Tem­pliers ou le Nazis n’avaient pas existé, une source impor­tante d’inspiration des auteurs dis­pa­rai­trait. Mais, ce vide amè­ne­rait, sans aucun doute, la créa­tion de pro­ta­go­nistes simi­laires. Tou­te­fois, l’approche que fait Hervé Gagnon des Cathares est inté­res­sante, car peu com­mune, avec un héros qui, mal­gré ses excès, est atta­chant, entouré de per­son­nages attrac­tifs, hauts en couleurs.

Toute­fois, ce qui est un peu aga­çant, c’est cette pro­pen­sion exces­sive à annon­cer la suite avec des expres­sions comme : « …l’événement qui me mène­rait à ma perte » ; « Le temps était proche où celui qui me révé­le­rait les moyens de ma révolte entre­rait dans ma vie… » Etc.

Il intro­duit dans son livre mille détails his­to­riques sur cette époque, tant sur la vie quo­ti­dienne qui régnait dans les pauvres sei­gneu­ries, sur la société rurale, que sur la croi­sade de Simon de Mont­fort et l’approche de la reli­gion cathare.

Un livre qui se lit avec beau­coup de plai­sir même si des scènes par­ti­cu­liè­re­ment bru­tales émaillent le par­cours du héros, un par­cours dont on a hâte de décou­vrir la suite. Cette suite est déjà parue au Qué­bec, où de chan­ceux lec­teurs dis­posent de quatre tomes.

serge per­raud

 

   
 

Hervé Gagnon, Damné, tome 1 “L’héritage des Cathares”, coll. “Roman”, Edi­tions Hugo, mai 2012, 432 p. — 15,00 €

 
     

 

 

 

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