Alejandro Jodorowsky & Jérémy, Les Chevaliers d’Héliopolis — t.1 : “Nigredo, l’œuvre au noir”

Il est l’héritier d’un pouvoir

Dans le nord de l’Espagne, au cœur du temple secret des Che­va­liers d’Héliopolis, se déroule une ini­tia­tion. Dix-sept doit vaincre en com­bat un énorme colosse. Il triomphe par son agi­lité et par la ruse. Ful­ca­nelli révèle alors les ori­gines de son pro­tégé. Il n’est autre que le fils de Louis XVI et de Marie-Antoinette. Un fils conçu dans des condi­tions par­ti­cu­lières pour vaincre l’impuissance des parents à s’unir. Louis XVI, libéré, après son épouse, s’en prend à Char­lotte la bou­lan­gère dont il trouve le pain excellent.
Neuf mois plus tard, le prince arrive entouré de soins alors que Char­lotte accouche seule dans la cui­sine. Sur­prise, l’enfant royal est le mythique her­ma­phro­dite que les alchi­mistes attendent depuis des siècles. La reine ne pou­vant allai­ter, c’est Char­lotte, que le roi conti­nue de fré­quen­ter sexuel­le­ment, qui devient la nour­rice offi­cielle. Son gar­çon, aban­donné, nourri par une chienne, devient débile.
La Révo­lu­tion sur­vient, le roi et la reine sont déca­pi­tés et Louis XVII est au Temple. Ful­ca­nelli le délivre avec l’aide de Char­lotte qui le rem­place par son fils. Après son ini­tia­tion, sa renais­sance, il devient le comte Asta­mar. Les Che­va­liers le chargent alors d’une mis­sion périlleuse auprès de la nou­velle royauté…

Le scé­na­riste imbrique faits his­to­riques et actions de fic­tion, fai­sant tenir leur rôle à des per­son­nages authen­tiques tout en modi­fiant cer­tains de leurs actes avé­rés. Il appuie son récit sur l’un des grands mythes de l’Histoire de France, à savoir le sort réel du Dau­phin mort à l’âge de dix ans dans la pri­son du Temple. Jodo­rowsky en livre, ici, une ver­sion per­son­nelle qui a le mérite d’être cohé­rente si l’on adhère à l’environnement éso­té­rique dont il fait grand usage. Il met en scène Ful­ca­nelli et pro­pose, là-aussi, une autre ver­sion tout aussi mys­té­rieuse que celle qui pré­vaut autour du signa­taire de deux livres remar­qués parus en 1926 et 1930. Ce nom serait un pseu­do­nyme cachant nombre de per­sonnes poten­tielles. Le scé­na­riste pré­fère l’assimiler au fameux et obs­cur comte de Saint-Germain.
En rete­nant Hélio­po­lis, Jodo­rowsky fait réfé­rence à Onou, cette ville égyp­tienne qui dès le XXVIIe siècle avant J.-C., fut la métro­pole reli­gieuse de l’Ancien Empire.

On retrouve dans ce pre­mier tome nombre des sujets chers à Jodo­rowsky tels que l’androgynie, le pou­voir, le sexe, le pou­voir du sexe, le corps et ses muti­la­tions, la guerre, la cor­rup­tion et les sym­boles éso­té­riques de toutes ori­gines. Il fait croi­ser au lec­teur, outre Louis XVI et son épouse, leur fils, un Louis XVIII souf­frant de la goutte, Marat et sa meur­trière dont il ima­gine un par­cours peu com­mun…
Mais tout le talent nar­ra­tif de Jodo­rowsky res­te­rait sans saveurs sans la mise en page et en images de Jérémy. On doit à ce der­nier Bar­ra­cuda, une série en six albums (Dar­gaud). Son coup de crayon dyna­mique, pré­cis, le soin apporté aux détails trans­cendent cet opus. Avec Jérémy, les ama­teurs de bonnes bandes des­si­nées tiennent un illus­tra­teur dont le talent va croître encore. Attendons-nous à de futurs albums magnifiques.

Ce pre­mier tome ouvre brillam­ment une série par une intrigue enle­vée et mou­ve­men­tée sur fond d’alchimie et de faits his­to­riques. Une belle uchro­nie ésotérique !

serge per­raud

Ale­jan­dro Jodo­rowsky (scé­na­rio), Jérémy (des­sin) & Feli­deus (cou­leurs), Les Che­va­liers d’Héliopolis - t.1 : “Nigredo, l’œuvre au noir”, Glé­nat, coll. “Gra­fica”, mai 2017, 56 p. – 14,50 €.

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