Pour Arnaud Le Vac, l’Imaginaire est la réalisation de possibles. Les épiphanies passent par tout les processus de création. Si bien que les mots se gonflent de valeur sans pour autant jouer d’effets : ils n’en ont pas besoin. D’un texte à l’autre, un mouvement laisse surgir une magie au service de la présence au-delà du temps. Le lieu de l’Imaginaire est donc un lieu ambigu et paradoxal. Par lui, le poète ouvre à d’autres espaces et créateurs. afin que surgisse un monde non de rupture mais de contact là où le “comment c’est” et “comment dire” de Beckett trouvent des réponse là où tout est en action au-delà des époques. Les textes poétiques proposent ainsi de multiplier les viviers d’illuminations.
Entretien :
Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
« Le matin la clarté splendide des idées / M’éblouit », dit Victor Hugo. Je retrouve quant à moi chaque matin cette disponibilité physique et morale qu’a vécue Victor Hugo depuis l’exil. C’est une disponibilité propre au matin qui vous jette dans la clarté splendide des idées et qui vous permet d’agir et de penser. Dire que l’on peut en être ébloui parait suspicieux, si l’on ne pratique pas cette activité, mais il en est ainsi. Alain Jouffroy que j’ai visité quelques mois avant sa disparition m’a dit qu’il se levait chaque matin pour voir le lever du jour. Voilà le sens d’une vie, de toute une vie.
Que sont devenus vos rêves d’enfant ?
Je les retrouve dans ce que je fais quotidiennement. Vivre, penser, parler, dire, rire, manger, m’émouvoir, marcher, jouir, lire, dormir. Ce qui me fait toujours rire à ce sujet est la proposition surréaliste d’il y a tout juste un siècle : « Parents ! racontez vos rêves à vos enfants » ! Beaucoup plus juste que la formulation de Jacques Lacan qui a voulu structurer l’inconscient comme un langage et qui y est en effet parvenu avec d’autres pour toute une époque.
A quoi avez-vous renoncé ?
A rien qui ne soit pas l’homme et l’humain.
D’où venez-vous ?
D’Europe et plus précisément de France et de Paris. D’une certaine lumière aussi de la banlieue parisienne sur les maisons et les jardins, sur les arbres et les étangs, sur les champs et les forêts, sur les falaises et les berges verdoyantes de la Seine. J’ai grandi dans la Brie même si ma petite enfance se passe dans la vallée de l’Yerres, entre les platanes et les marronniers, les berges d’une rivière. Il y a dans ma façon de vivre un dégagement quotidien vers la nature et le proverbe que je retrouve dans cette manière de vivre et de penser de Nicolas Boileau et de Jean de La Fontaine qui ont tous les deux vécu leur enfance dans la Brie au dix-septième siècle.
Qu’avez-vous reçu en dot ?
Que vous répondre ? Sinon la littérature et l’humanité ? Le réel et l’inconnu, chaque jour à portée de main et de visage. Il suffit de deviner et d’oser. D’être digne de l’humain, voilà tout.
Un petit plaisir – quotidien ou non ?
Le café noir le matin et le café serré l’après-midi !
Qu’est-ce qui vous distingue des autres écrivains ?
Je ne fais pas de distinction entre « les modernes » et « la tradition ». Je suis quelqu’un qui lit continûment Hugo et Voltaire. Mais peut-être n’est-ce pas assez de dire cela ? Je suis aussi quelqu’un qui lit des écrivains contemporains très différents les uns des autres et qui n’hésite pas à entrer en contact avec eux sans pour autant adhérer autour d’eux à quelques cénacles ou cercles que ce soit. Je suis aussi un écrivain qui fait une revue et qui apporte une extrême importance à la poésie et à l’art comme possibilité de changer notre rapport à la vie et au monde.
Comment définiriez-vous votre approche de la poésie ?
Pas une approche et une définition, mais une possibilité de rapport et de relation. Je lis et j’écris des poèmes. La poésie passe autant dans le fait de lire un poème que dans le fait de regarder une peinture, dans le fait d’écouter une musique que dans le fait de vivre. Le langage ordinaire engage la poésie dans le poème.
Quelle est la première image qui vous interpella ?
L’herbe et le soleil. Je suis un enfant qui a fixé le soleil allongé dans l’herbe. Cela contraste, il faut le dire, avec la déferlante des images vues en direct à la télévision : famines, tremblements de terre, chute du mur de Berlin, guerres civiles, génocides des populations, guerre du Golfe.
Et votre première lecture ?
Vers 15 ou 16 ans : « Une saison en enfer » de Rimbaud m’a donné la certitude de réveiller la langue que je parle.
Quelles musiques écoutez-vous ?
Actuellement, les interprétations de Schubert par la musicienne Maria João Pires.
Quel est le livre que vous aimez relire ?
« Océan » de Victor Hugo.
Quel film vous fait pleurer ?
« IN GIRUM IMUS NOCTE ET CONSUMIMUR IGNI » est un film pour moi extrêmement émouvant par ses images sur Paris et la voix de Guy Debord.
Quand vous vous regardez dans un miroir qui voyez-vous ?
La part de réel et d’inconnu de tout homme.
A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
Je le fais sans hésiter si l’idée m’est donnée.
Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
La ville où je vis : Paris.
Quels sont les artistes et écrivains dont vous vous sentez le plus proche ?
Les artistes Mathias Pérez, Pierre Nivollet, Jeanne Gatard. Les écrivains Bernard Noël, Henri Meschonnic, Alain Jouffroy, Marcelin Pleynet, Claude Minière, et d’autres que je passe sous silence.
Qu’aimeriez-vous recevoir pour votre anniversaire ?
Ce qui manque lors des événements les plus sombres de l’histoire : de quoi écrire.
Que défendez-vous ?
La liberté.
Que vous inspire la phrase de Lacan : « L’Amour c’est donner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas » ?
Toute une époque.
Que pensez-vous de celle de W. Allen : « La réponse est oui mais quelle était la question ? »
L’époque suivante !
Quelle question ai-je oublié de vous poser ?
Si on peut être cosmopolite et vivre cependant en dehors de son temps ? La réponse est oui.
Entretien et présentation réalisés par jean-paul gavard-perret pour lelitteraire.com, le17 août 2017.