Marie Darrieussecq, Notre vie dans les forêts

La vie nouvelle

Marie Dar­rieus­secq est habi­tuée aux éclairs de génie et aux pas dans la neige recou­verts de flo­cons en tem­pête. Préci­sions sur les vagues  était déjà un livre intem­pes­tif qui excé­dait la « logique » et le cur­sus de l’œuvre. Notre vie dans les forêts  renoue avec ce type d’explosion signi­fi­ca­tive.
Le roman le pré­cise dès les pre­mières lignes : « Il faut que je raconte cette his­toire. Il faut que j’essaie de com­prendre en met­tant les choses bout à bout. En rameu­tant les mor­ceaux. Parce que ça ne va pas. C’est pas bon, là, tout ça. Pas bon du tout. ».Une telle nar­ra­tion s’est impo­sée à l’auteure au moment où elle était en train d’écrire un autre livre. On le sent comme le fut Truismes écrit en un seul souffle.

L’héroïne (jadis psy­cho­thé­ra­peute, donc plus ou moins sem­blable à la créa­trice) découvre, à mesure qu’elle écrit, à la fois les causes et les consé­quences de son his­toire. Nous ne sommes pas loin de Fah­ren­heit 451. Tant par la forêt que par ses exi­lés : nous en fai­sons par­tie comme l’indique le livre. A coté d’eux se retrouvent des ersatz, des clones qui les accom­pagnent. Marie Dar­rieus­secq plonge dans la fable, le roman d’anticipation et le pur et simple « récit ». Celui d’un temps pur, dans la pous­sée du deve­nir — si l’on peut encore l’appeler ainsi.
Tout devient une danse sinon macabre du moins ample­ment sca­ri­fiée où tout est par­fai­te­ment lisible ou illi­sible sui­vant l’angle choisi pour suivre cette archéo­lo­gie du futur. L’écriture s’y tri­cote en ce que la roman­cière ché­rit au plus haut point : un mode exten­sif qui demande à celle qui s’y frotte de se des­sai­sir de tout et d’elle-même pour oser une diva­ga­tion. Elle n’a rien de far­cesque mais tient d’une sorte de sourde extase née de la vitesse d’exécution chez celle qui très sou­vent tra­vaille de manière différente

Dans cette steppe de l’écriture, la forêt qui n’a rien des songes mais plu­tôt des cau­che­mars et selon un dépliage d’un temps déjà est ins­crit et qui nous habite. Le tout bien sûr en espé­rant que l’auteur se trompe. Mais nul n’en est sûr. L’écriture enre­gistre, détourne les sur­faces appa­rentes au sein d’un art qui n’assagit pas : il formule.

jean-paul gavard-perret

Marie Dar­rieus­secq, Notre vie dans les forêts, P.O.L édi­teur, 2017, 192 p.- 16,00 €.

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